lundi 7 janvier 2013

Comme une bête de Joy Sorman


"La viande est pleine de vie et la vie se transmet."
"Pim a consacré sa vie à la boucherie et on vient désormais de loin pour lui acheter de la viande."
Roman vraiment étonnant, obsessionnel,  autour de l’animal devenu viande et  nourriture de l’homme.  La boucherie comme métier  de A à Z. Le jeune boucher breton qui adore les vaches et en fait  son métier. Il apprend les techniques pour devenir le meilleur et moi, lectrice, il m’entraîne  dans son apprentissage et sa passion qui tourne à l’absolu.
J’ai appris un tas de choses sur les méthodes de travail,  les élevages, les abattoirs, le découpage de la viande, le désossage, le nettoyage, la mise en valeur à l’étalage, les bons et les mauvais morceaux. Et ceci et cela, sur 164 pages. 
Dit ainsi, ça pourrait sembler lassant et en réalité ça l’a été un peu pour moi par moments mais le tour de force de Joy Sorman est d’avoir réussi à éviter l’impression de documentaire qu’un tel thème aurait vite pu donner.
Je n’ai pas particulièrement aimé le personnage de Pim, le jeune héros apprenti boucher qui devient propriétaire de la meilleure boucherie de Paris et dont le corps lui-même se transforme au contact de la viande: sa peau se pique de points roses, ses mains enflent et s’arrondissent, faisant disparaître,  dans l’épaisseur de la chair bombée,  ongles, phalanges et veines.  C’est un jaguar, divin et magique et les femmes l’adorent.
Elles s’accommodent de l’étrangeté amoureuse de Pim qui semble prendre davantage de plaisir à cuisiner un lapin à la moutarde – cuisiner pour elles cependant -  qu’à coucher. Et qui ne peut pas envisager le moindre commerce sexuel avant d’avoir grillé une entrecôte ou rôti une pintade.
Mais le boucher rêve vite d’autre chose. Il veut entrer dans l’histoire de la boucherie, y inscrire son nom  et pour cela il doit aller plus loin  encore, achever sa mission, porter l’art de la boucherie à son achèvement. Il va mener l’ultime bataille, affronter la viande.
La fin m’a surprise.
Le plus surprenant c’est que malgré toutes les nombreuses  raisons  que j’avais de ne pas aimer ce roman, en réalité je l’ai admiré et apprécié  pour la folie de l’entreprise d’une part mais surtout pour la beauté du style et la perfection du résultat: la maîtrise de la construction est totale. La montée de la folie  et le retour aux mythes les plus primitifs, tout est admirable. Je le redis: étrange et beau roman qui  méritait  parfaitement d’avoir été dans la liste du Prix Goncourt  des Lycéens 2012

Très nombreux autres billets: Babelio, Valérie, Véronique, Nina,  
Comme une bête, de Joy Sorman 
(Roman, nrf,  Gallimard, 2012, 165 p.) 
Joy Sorman est née en 1973. Elle a reçu le prix de Flore pour son premier livre Boys, boys, boys (2005). Elle est également l’auteur de Du bruit, Gros œuvre et Paris Gare du Nord parus aux Éditions Gallimard.

25 commentaires:

  1. Les histoires de boucherie ce n'est vraiment pas pour moi ..

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    1. Je le croyais aussi mais finalement ce livre c'est plus que ça: une vraie expérience. Ceci dit, je n'en lirais pas deux sur le même sujet!

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    1. C'est le moins qu'on puisse dire! Quel travail de documentation il a dû falloir pour écrire ce roman!

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  3. Mon avis est très proche du tien. Oui, on s'ennuie parfois un peu mais quel tour de force! Ce roman a fini deuxième du Goncourt des lycéens, nous avons eu des discussions passionnantes avec mes élèves.

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    1. Des discussions passionnantes au sujet de ce livre? Ça ne m'étonne pas car il s'y prête bien!

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  4. J'ai hésité à le lire, mais un avis comme le tien ça me motive du coup...

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    1. C'est étrange comme je me suis laissée prendre sur un tel sujet qui me rebute en fait mais je ne suis pas la seule ...

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  5. J'ai lu beaucoup de bonnes à propos de ce roman et pourtant je ne suis toujours pas tenté. En poche peut-être, mais ce sera sans conviction...

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    1. Oui, les critiques sont bonnes. je ne m'y attendais pas car en lisant le résumé, je pensais ne pas l'aimer; je ne l'ai choisi que pour sa place dans la liste du Goncourt!

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    1. Merci mais le sujet n'est pas des plus aguicheurs et pourtant!

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  7. Euh... la viande, bof... Un a priori idiot, je sais, à te lire...

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    1. Non, j'avais le même! J'ai découvert une romancière qui a réussi à bien s'en sortir avec un sujet bien rebutant du moins pour moi au départ.

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  8. J'aimerais savoir ce qu'en pense Brigitte Bardot,elle qui n'a cessé de défendre les animaux! Alors parler de nourriture de l'homme, qu'est la viande!!

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    1. En fait, c'est par amour pour les vaches que ce personnage devient boucher au début mais c'est vrai que le fin du livre révolterait BB!

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  9. Non, alors là, pour la végétarienne que je suis, ce n'est pas possible !

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    1. Tu ne supporterais pas la visite dans les abattoirs par exemple: le pire des chapitres pour moi. N'empêche je ne peux m'empêcher d'admirer le talent de cette romancière!

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    2. La végétarienne de la classe n'a pas du tout été gênée, moins que d'autres élèves.

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    1. Les lecteurs ont plutôt beaucoup aimé dans l'ensemble!

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  11. Un roman qui semble original... Pourquoi pas ?

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    1. Très spécial mais réussi. Évidemment le thème à lui seul peut refroidir! ;)

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