mercredi 30 juillet 2014

Petit retour en arrière avant la prochaine rentrée littéraire

L'idée me vient du blog de Kathel, ce matin. Elle revient sur ses coups de cœur  de la dernière rentrée (automne 2013,  hiver 2014) C'est une bonne idée de faire ainsi le point puisque aujourd'hui j'ai un peu de temps.

J'ai donc particulièrement aimé cette année:

Déjà cités chez Kathel: Au revoir, là-haut, Réparer les vivants, La petite communiste qui ne souriait jamais , Plonger,



et puis...
La nostalgie heureuse , C'est quoi ce roman?  Karina Sokolova, Quatre murs,



Un degré au- dessous:

Il faut beaucoup aimer les hommes, En finir avec Eddy Bellegueule,  Buvard,
Je rêvais d'autre chose,  Le fils de Sam Green, 




dimanche 27 juillet 2014

Je rêvais d'autre chose, Nicolle Rosen

A quoi rêve une jeune femme quand son père, ignoré volontairement depuis de longues années, s’éteint lentement à l’hôpital?
Et à quoi songe celui-ci avant de disparaître, emporté dans ce vertige enivrant au bord de l’abîme?

Deux narrateurs, le père et la fille,  s’affrontent une dernière fois en croisant  leurs souvenirs, dans une alternance parfaite  des chapitres consacrés  à la vie de chacun.  Ils n’ont pas été tendres l’un pour l’autre. Indifférence et rancœur  pour un mauvais mariage d’un côté, colère froide sans indulgence  et éloignement de l’autre pour un sentiment oppressant d’injustice. Silence des deux côtés.  Souffrance indicible pour chacun.

C’est toute leur histoire qui est évoquée dans ces moments douloureux, avant l’ultime séparation, définitive, celle-là - non seulement l’histoire familiale mais aussi celle du siècle dernier et des deux  guerres qui firent exploser tant de destins individuels.  La famille juive a fui  les pogroms de Pologne pour s’installer en Allemagne où sont nés les enfants puis de là en France pour fuir à nouveau vers la Suisse avant leur retour  en Alsace.
Nina, est une jeune mère divorcée, toujours à la recherche de l'homme idéal, et Max, le père qui se voulait si exemplaire, sombre dans la dérive du jeu.

Chacun cherche autre chose, une autre vie, bien meilleure,  mais laquelle?
Le savent-ils vraiment ? 
"Autre chose", toujours !  

Je voulais seulement revivre les moments heureux. Mais ma mémoire est devenue trop lourde pour que je puisse en faire ce que je veux, elle pèse sur ma poitrine, elle m’empêche de respirer. 
                    
C'est un récit d'autant plus  émouvant que c'est le dernier de l'auteur, qu'elle le savait et qu'elle y a travaillé jusqu'au bout. 


Nicolle Rosen (1940-2010) était psychanalyste après avoir enseigné la littérature et la langue française à l’université. Elle a publié chez Lattès deux recueils de nouvelles dont le très remarqué Chez les Thomas on est très famille (2002) et trois romans dont Martha F. (2004), consacré à la femme de Freud, qui est traduit dans une dizaine de pays. Elle est également l'auteur d'essais avec Trois figures de la passion (Ed. Springer-Arcanes) et Du côté de l'hystérie (Ed. Arcanes). 
Je rêvais d'autre chose, Nicolle Rosen, 
Roman, mai 2014, 156 p.
éditions Thierry Marchaisse 

mercredi 23 juillet 2014

L'odyssée de Pénélope, Margaret Atwood

Dans la collection «Les Mythes du Monde», Margaret Atwood a choisi de revisiter  l’Odyssée en imaginant le point de vue de Pénélope, à l’opposé du cliché de la «petite bobonne fidèle» attendant sagement, derrière sa tapisserie jamais terminée, le retour d’Ulysse,  son époux chéri,  père de son fils Télémaque, après vingt ans d’absence, tout en maintenant à distance la centaine de ses prétendants  de plus en plus pressants.
 «Ulysse aux mille ruses! C’est ta grande valeur qui te rendit ta femme; mais quelle honnêteté parfaite dans l’esprit de la fille d’Icare, en cette Pénélope qui jamais n’oublia l’époux de sa jeunesse! Son renom de vertu ne périra jamais, et les dieux immortels dicteront à la terre de beaux chants pour vanter la sage Pénélope…»  L’Odyssée, Chant XXIV (191-194) [ citation mise en exergue]

 La Pénélope de Margaret Atwood  est à l’opposé de cette femme exemplaire, l’incarnation même de la patience et de la fidélité conjugale.  Dès l’ introduction la romancière canadienne rappelle que l’Odyssée d’Homère n’est pas la seule version du récit et qu’elle s’est inspirée à d’autres sources comme à celles des variantes régionales du mythe. Elle a également choisi de faire raconter l’histoire par Pénélope elle-même et  par ses douze servantes pendues par Ulysse à son retour pour l'avoir trahi.

C’est du fond des Enfers que s’élèvent ces voix féminines et accusatrices. «Maintenant que je suis morte, je sais tout» déclare Pénélope en commençant son récit, tissant ainsi une nouvelle toile qui n’appartient qu’à elle où elle accuse Ulysse de l’avoir ridiculisée pour se tirer d’affaire, une de ses grandes spécialités. «Il se montrait toujours si convaincant!» mais, déterminée et patiente, elle ira jusqu’au bout de la vérité cette fois.

Puis ce sera au tour des servantes  de témoigner. Elles le feront en chœur dans un cours d’anthropologie burlesque où elles rejettent le statut de simples servantes, de cendrillons, pour  revendiquer celui des douze vierges lunaires, compagnes d’Artémis, virginale déesse de la lune, avec Pénélope comme grande prêtresse de leur culte.

Tout se termine par la projection du  procès d’Ulysse filmé en vidéo par les servantes. Et par leur chant d’amour qui ressemble  à une menace: 

«Nous marchons sur vos pas»  

 "Nous ne vous quitterons jamais,

 nous vous suivrons partout comme une ombre,

 douces et  tenaces comme de la glu."


«Nous n’avions pas de voix

nous n’avions pas de nom

nous n’avions pas de choix

fille sans renom

et sans visage.


Nous avons subi votre rage

Ô injustice

Mais nous sommes ici

Nous sommes ici, nous aussi

Au même titre que vous.


 Hou Hou Hou Hou!"


 Et elles se transforment en hiboux !

 

Étrange petit livre ! J’ai beaucoup aimé: «La Servante écarlate*», beaucoup moins celui-ci. Un mythe modernisé n'est jamais qu'un plat réchauffé! J'aurais voulu être séduite.

Je retourne à "L'Univers, les Dieux et les Hommes" de Jean-Pierre Vernant où il raconte les mythes dont deux chapitres  consacrés à "La guerre de Troie" et à "Ulysse ou l'aventure humaine".  
"Ulysse dort avec Pénélope et c'est comme leur première nuit de noces. Ils se retrouvent en jeunes mariés. (...) Le chant de l'aède peut célébrer pour tous les hommes de tous les temps et dans toute sa gloire la mémoire du retour."
Je préfère!

 

 (*Livre accusé  en 2009 par un parent d’élève d’être violent, anti-chrétien et anti-islamiste, ce qui provoqua une grande polémique à Toronto - W. ) 

L'auteur:
Née à Ottawa en 1939, Margaret Atwood est l'un des plus grands auteurs canadiens d'essais, de poésie et de fiction. Parmi ses romans, pour lesquels elle a reçu les plus prestigieux prix littéraires, dont le Booker Prize 2000 pour son best-seller mondial Le Tueur aveugle, on citera Lady Oracle, Le Dernier Homme, La Servante écarlate,  La Voleuse d'hommes.


L'odyssée de Pénélope, Margaret Atwood
Traduit de l'anglais (Canada) par Lori Saint-Martin et Paul Gagné
(Flammarion, 2005, 160 pages)

lundi 21 juillet 2014

Un bien fou, Éric Neuhoff, Grand prix du roman de l’Académie française en 2001

L'histoire
«Je vous préviens: vous n’allez pas aimer. Ça ne fait rien, lisez cette lettre avec attention. Je vous le conseille. Certains détails vont vous intéresser.»
Le narrateur s’adresse à un écrivain américain mythique des années cinquante,  Sebastian Bruckingerqui,  après un grand succès, se terre désormais chez lui, dans le Vermont. Ils se sont rencontrés par hasard en Italie  et Maud, sa compagne dont il est très amoureux,  l’a quitté pour ce vieil homme célèbre, très peu sympathique. Naturellement, le souvenir de J.D. Salinger, l’auteur de L’Attrape-cœurs,  s’impose immédiatement. Le narrateur  a décidé de se venger en  faisant publier cette longue lettre dans le New York Times.
«Pas de quartier. Je vais foncer dans le tas. Je serais vous, je ne lirais pas ce qui va suivre. Je dois vous dire ce que j’ai sur le cœur. Grand écrivain, tu parles! Vieux salopard, oui. Je sais, en brisant le silence qui vous entoure, je ne tiens pas ma parole. Mais vous n’avez pas exactement respecté la vôtre non plus.»
Le jeune trentenaire, publicitaire parisien en vogue, est d’autant plus  irrité et dépité qu’il admirait énormément cet auteur et qu’il le trouvait même très agréable avant de découvrir sa duplicité.
«Vous gâcher vos dernières années d’existence me console vaguement. Je vous souhaite de vivre centenaire. Je ne fais pas ça pour l’argent. Je ne suis pas la petite roulure qui a raconté dans ses mémoires comment elle a réussi à baiser avec vous, les six mois qu’elle a passés dans le Vermont quand elle avait à peine dix-huit ans.»
 Mon avis
Ce ne serait jamais qu’une histoire d’amour contrarié de plus que j’aurais sans doute abandonnée en cours de lecture si le style ne m’avait pas retenue. Il est sec et léger à la fois, nerveux et efficace. Des petites phrases courtes, une insolence gracieuse, tendre ou cruelle tour à tour, tout le contraire de ce que j’aime et recherche chez mes auteurs américains favoris. J’ai longtemps délaissé les romanciers français,  Modiano excepté. J’ai peut-être eu tort! 
Ce roman a reçu le Grand prix du roman de l’Académie française en 2001
J’aimerais lire maintenant La Petite Française, Prix Interallié. 
Un bien fou, Éric Neuhoff, Grand prix du roman de l’Académie française en 2001

vendredi 18 juillet 2014

A comme aujourd'hui, David Levithan

Et si chaque matin, vous étiez quelqu'un d'autre? C'est ce que vit A. un lycéen de seize ans.  A comme Anonyme.  A comme aujourd'hui.  Qui est-on vraiment quand on change d’identité tous les jours? A.  n’a aucune famille mais conserve la mémoire de tout ce qui lui arrive.  Il est seul. Son apparence change systématiquement à son réveil. Il doit vite prendre connaissance de sa  nouvelle personnalité d’un jour:  celle d’un garçon ou d’une fille de son âge  vivant dans une même  région. Il peut se retrouver grand ou petit, beau ou laid, obèse ou anorexique,  malade mental, sportif, dépressif,  heureux ou malheureux, dans une famille aimante ou maltraitante. Il ne connaît aucune stabilité.

  C'est sa vie: il ne peut ni contrôler ni empêcher ses métamorphoses quotidiennes. Cela ne le dérange pas, depuis  16 ans que ça dure, il s'y est habitué. Jusqu'au 5994è jour, soit le début du livre.  Ce jour là, il est  devenu Justin et tombe amoureux de sa petite amie, Rhiannon. Il lui offre une journée de rêve mais n'arrive pas à s'arrêter là. L'amour avec un grand A vient de frapper. Malgré sa nature, A fera en sorte de la revoir, et de là naîtra une histoire clairement hors norme.

Cette histoire est intéressante. Je me suis très vite attachée à A, qui est droit, généreux et qui fait tout pour ne pas gêner le bon déroulement de la vie de ceux  dont il prend l’identité.   .
Rhiannon, elle,  est  touchante par son côté fragile mais aussi  par sa force de caractère et sa loyauté. Ce n’est pas facile d’aimer celui qu’elle a connu tout d’abord sous les traits d'un jeune amoureux et de le retrouver ensuite sous l’apparence d’une adolescente perturbée,  d’un obèse de plus de cent kilos et  pire encore.

J'ai immédiatement accroché! C'est une histoire originale. Au delà de l'apparence, malgré tous les obstacles qui se dressent entre eux, l'amour est là, si difficile à vivre. Une leçon de vie avec de belles réflexions sur l'amour, la société, la solitude, la religion, la mort, le sexe. Je ne m’y attendais pas d’un livre classé pour jeunes ados. C’est une bonne surprise qui m’a fait penser à un de mes films cultes: «Un jour sans fin» où le héros revit sans cesse la même journée. La fantaisie au service de la réflexion. Le moment présent pour toute réalité. Rien qu'Aujourd'hui, comme A.

A comme aujourd'hui, David Levithan
Traduit de l'anglais (USA) par Simon Baril
(Les Grandes Personnes, 2013, 374 p)

lundi 14 juillet 2014

Les chats de hasard, Anny Duperey


Ce n’est pas un hasard mais une nécessité qui m’a poussée à prendre, cette semaine, ce  livre d’Annie Duperey  sur les chats qu’on ne choisit pas mais qui s’imposent à vous,  issus de nulle part, les vagabonds, les sans maîtres qui deviennent très vite les plus indispensables compagnons qui soient.

 J’en avais déjà très envie depuis la lecture de son magnifique «Le voile noir» sur la mort de ses parents quand elle n’avait que huit ans,  mais cette fois, j’en avais vraiment besoin. Il me fallait comprendre  de l’intérieur et pas seulement grâce aux  explications du vétérinaire pourquoi,  sans raisons apparentes, mon chat de sept ans, si tranquille, placide et doux était devenu  brusquement nerveux au point de griffer violemment celui qui le caresse rituellement chaque soir avant d’aller au lit. Il y avait du sang partout sur le sol: une scène digne d’un film d’horreur! Bon j’exagère, bien sûr, mais pourquoi une telle agression d’un chat  équilibré et sans problèmes, semble-t-il?  Ne pas pouvoir trouver d’explication et voilà ce livre entre mes mains. Je n’y ai pas trouvé ce que je cherchais mais j’ai pris un grand plaisir à le lire. 
Les chats  de hasard d’Annie Duperey, Titi et Missoui, sont des plus attachants et quand elle parle d’eux, c’est d’elle aussi dont il s’agit. L’enterrement de Missoui est un grand moment, digne d’une reine,  elle, la petite maigrichonne venue de nulle part, affamée et malade,  «des morsures profondes, du cou jusqu’aux reins». Recueillie, sauvée, bichonnée, chouchoutée  elle vivra très longtemps après son adoption et laissera un souvenir impérissable à toute la famille.
Un incontournable, ce livre, pour les amoureux des chats mais pour les autres aussi. C’est une belle lecture de toute façon.
«Combien de chiens, de chats exceptionnels dans une vie? Un, deux, peut-être trois? Et combien d’amours, d’amis véritables? Un ou deux. Trois au plus ? Ils sont aussi rares. Missoui, cette petite personne animale a été pour moi, à l’égal d’une affection humaine, une amie, un amour merveilleux, un grand soutien et finalement celle qui m’a aidée à franchir une nouvelle étape.» (p. 221)
J'ai pour les animaux un amour raisonnable. (...) 
Mais les chats ...  
Les gens qui aiment les chats évitent les rapports de force.Ils répugnent à donner des ordres et craignent ceux qui élèvent la voix. 
Les gens qui aiment les chats sont habiles à fuir les conflits et se défendent fort mal quand on les agresse.Les gens qui aiment les chats  avec infiniment de respecte et de tendresse, auraient envie d'être aimés de la même manière.
Les gens qui aiment les chats font une confiance parfois excessive à l'intuition.
Les gens qui aiment les chats sont souvent frileux.
J'aime les chats.  (p. 9)
 Les chats de hasard, Anny Duperey, Récit,  (Seuil, 1999, 222 p.)

samedi 12 juillet 2014

Par-ci, par-là,


Parce que, en ce moment, j’ai toujours un temps de retard sur l’actualité de mes blogs préférés, je profite de ce  week end un peu moins chargé pour lire les nouveautés  susceptibles de m’intéresser ( et il y en a eu beaucoup cette semaine). C’est pourquoi je poursuis une rubrique plus en accord avec mon emploi du temps actuel  qui ne me laisse de liberté que le samedi et le dimanche quand je ne suis pas prise par des visites amicales et familiales impromptues, de celles qui se font l’été justement quand on reste le point de référence des  déplacements des uns et des autres, étant donné que la région parisienne est un peu le passage obligé  pour sauter d’un aéroport à une gare maritime ou ferroviaire  avant de disparaître dans un coin du monde suffisamment splendide pour m’envoyer des cartes postales pleines de surprises et de bons souvenirs.


Tout d'abord, impossible de passer outre l'aventure arrivée à l'une de mes blogueuses préférées,  l'Irrégulière, condamnée par un tribunal à 2500 euros d'amende pour une critique culinaire jugée diffamatoire. (ici) Tout a déjà été dit sur un tel abus de pouvoir et je ne peux qu'ajouter ma désapprobation devant une telle décision. Après lecture de l'article, impossible de ne pas éprouver d'inquiétude quant à la liberté de critiquer désormais quoi que ce soit dans notre beau pays où le mot Liberté fait pourtant partie de la devise nationale. Bientôt nous ne pourrons plus écrire  que du bien des livres  que nous avons lus et ce sera la fin de tous nos blogs, suite logique après la fermeture des librairies indépendantes et l'appauvrissement des bibliothèques municipales. 


Je viens d'apprendre la mort de Yann Andréa, dont j'ai lu et aimé "Cet amour-là", que je vais rechercher dans ma bibliothèque pour le relire. Exécuteur testamentaire et dernier amant, bien que homosexuel, de Marguerite Duras,  avec  laquelle il a vécu seize années malgré une différence d'âge de trente-huit ans, il a été plutôt maltraité par les critiques qui lui reprochaient de plagier le style de la célèbre romancière dont il avait lu toutes les œuvres et à laquelle il servait de chauffeur, d'accompagnateur, de "Boy", d'inspirateur, etc. Né à Guingamp en 1952, Yann Lemée est devenu Yann Andréa, du nom de la mère de M. Duras qui écrivit aussi  un récit intitulé: "Yann Andréa Steiner". J'aimerais lire aussi: "Les petits chevaux de Tarquinia"  le livre qui provoqua chez lui un véritable coup de foudre lorsqu'il était étudiant en prépa, à Caen et qui l'amena à lire tous ses livres et à lui écrire par la suite pendant cinq ans. Il est décédé le 10 juillet dernier, chez lui, dans le sixième arrondissement de Paris, "de mort naturelle".


J'apprends aussi qu'une coupe du monde de littérature, a été lancée aux  États-Unis, avec 32 compétiteurs au départ, dont voici la sélection: 

  • The Pale King de David Foster Wallace pour représenter les États-Unis
  • La carte et le territoire de Michel Houellebecq, pour la France
  • Austerlitz de W.G. Sebald, pour l'Allemagne
  • Journée d’un opritchnik de Vladimir Sorokine, pour la Russie
  • L’Intérieur de la nuit de Leonora Miano, pour le Cameroun
  • Ceux du Nord-Ouest de Zadie Smith, pour l'Angleterre
  • Ton visage demain de Javier Marias pour l'Espagne
  • Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma… pour La Côte d'Ivoire
Pour les demi-finales sont en lice,outre les États-Unis et l'Allemagne:
Roberto Bollano pour le Chili et Valeria Luiselli pour le Mexique. 

Attendons la finale! 
A l'origine de cette opération se trouve  le  département de littérature étrangère de l'Université de Rochester (Etat de New York) 


Quant à la coupe du monde de BD , puisqu'il en existe une aussi, sont en finale:
Louca de Bruno Dequier et Notre histoire de Lilian Thuram

A suivre ...

vendredi 11 juillet 2014

Karina Sokolova, Agnès Clancier

Comme le renard du Petit Prince a été apprivoisé à sa demande pour devenir unique au monde, en partageant tout son amour, de même Karina Sokolova, petite ukrainienne de trois ans, abandonnée à sa naissance dans un orphelinat de Kiev, est devenue l’enfant unique et adorée  de sa mère adoptive, la narratrice, la romancière, Agnès Clancier qui évoque  leur vie en s’adressant à la jeune fille  devenue grande,  prête à quitter le nid  qui l’avait recueillie.
C’est un récit autobiographique, un livre de souvenirs, un bel hymne d’amour pour ce bébé si fragile devenue une belle jeune femme rieuse et confiante. C’est bien écrit, avec sincérité et pudeur. J’ai beaucoup aimé.
  Cela fait plusieurs années que tu ne demandes plus: Qu’est-ce qu’on va  faire,  après?  Et après? Et après?

L’avenir ne te fait plus peur. Tu es rassurée, confiante. Tu bâtis des projets, qui t’appartiennent. Tu parais convaincue que tout le reste de ta vie sera facile. Les requins mangeurs de maman ne viennent plus hanter ton sommeil. Tu as l’insouciance des adolescentes.
Il n’est personne sur terre qui soit plus gaie que toi.
(…)
Le passé est ce qu’il est. Fait de miracles et de mystères.
C’est ton histoire. Elle a fait de toi la magnifique personne que tu es. Il n’y a rien à changer.  
 Billets  de Cuné et de Clara

Résumé de l'éditeur:
 Lorsque la narratrice découvre celle qui deviendra sa fille, celle-ci a trois ans. Abandonnée à la naissance dans une rue glaciale, son état est désespéré puis lentement s’améliore. Rien ne permet de dire d’où elle vient. Elle est seulement une enfant trouvée. Mais le formidable appétit de vivre dont elle fait preuve force son destin. Après des années de solitude, sa vie bascule ce jour-là et elle devient en un instant une petite fille aimée et choyée.
Mais les choses sont-elles si simples ? Comment vit-on privé d’une partie de son histoire et comment combler ces manques sans qu’il en reste pour toujours quelque chose d’inconsolable ?Agnès Clancier, avec beaucoup de délicatesse, nous raconte l’histoire d’une relation mère fille exceptionnelle, sorte de chemin d’amour où chacune apporte à l’autre ce qui lui manque.
 Karina Sokolova, Agnès Clancier, (arléa, 2014,  227 p.)

jeudi 10 juillet 2014

A qui la faute ?


A qui la faute ?

Tu viens d'incendier la Bibliothèque ? 

- Oui.
J'ai mis le feu là.

- Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d'oeuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur;
Il luit; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton cœur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi ! 

- Je ne sais pas lire.
L'année terrible. Victor Hugo

mardi 8 juillet 2014

Tombée du ciel, Cecelia Ahern

Voici un livre à recommander  chaudement pour un début d’été aussi pluvieux que celui-ci! Grâce à lui, j’ai passé un agréable moment de détente et quand je l’ai refermé, je me suis sentie de  bonne humeur.
Il se lit vite. Les personnages sont drôles et attachants. L’histoire est suffisamment bien imaginée et maîtrisée pour  ne  pas m’avoir donné envie de sauter une seule page. Une bonne surprise en somme, d’autant plus que ce livre m’est arrivé un beau matin dans ma boîte à lettres sans avertissement aucun et sans que j’en connaisse l’auteur, qui est irlandaise! Je ne le regrette pas!

A Dublin, une nuit, sur un pont,  Christine, l’héroïne, 35 ans, à peine divorcé d’un mari auquel elle ne peut reprocher que de l’ennui, cherche à sauver un homme qui veut se suicider. C’est son métier: coach en soutien psychologique, or,  récemment,  confrontée à la même situation, elle a subi l’ échec de voir un autre désespéré se tuer sous ses yeux. Elle a juré que ça ne lui arriverait plus jamais si bien que, cette fois, elle consacre tout son temps à sauver Adam dont la fiancée vient de lui préférer son meilleur ami.
Bien sûr, cet Adam a tout pour lui  plaire en réalité: il est  beau et  riche mais malchanceux et déprimé. Elle se donne quinze jours pour le sauver. Pour cela elle se sert de tous les livres de conseils psy qu’elle peut trouver, ce qui donne de savoureux titres de chapitres. «Comment quitter son mari (sans le blesser)», «Comment s’affirmer afin d’être pris en compte», «Comment se laisser aller au désespoir», «Comment voir le bon côté d’une situation».
Réussira-t-elle à le sauver vraiment et même plus, puisqu’elle en tombe follement amoureuse?  L’histoire est pleine de surprises.
Il était vingt-trois heures à Dublin, par une soirée de décembre glaciale. J’étais en territoire inconnu. Ce n’est pas une métaphore de mon état psychologique, même si elle serait juste. Ce que je veux dire, c’est que je n’avais jamais mis les pieds dans ce quartier (…) Je n’aurais jamais dû me trouver là. C’était une propriété privée, mais ce n’était pas ce qui aurait dû me préoccuper, c’était surtout dangereux. Une personne aussi ordinaire et conventionnelle que moi aurait dû tourner les talons aussi sec et repartir dans l’autre sens. Je savais tout cela, cependant je m’obstinais et me battais  contre ma trouille. Je pénétrai à l’intérieur. 
C’est un livre charmant et drôle, émouvant et attendrissant à la fois. Sans plus mais c’est déjà beaucoup, en ce moment, pour moi. 

Le billet de Keisha  et celui de mon autre blog

Tombée du ciel,  Cecelia Ahern (Flammarion, 2014, 362 p.)

samedi 5 juillet 2014

Buvard, Julia Kerninon

Tant de blogs et d’articles de journaux encensent ce premier roman de Julia Kerninon que  c’est avec curiosité,  envie d' un coup de  cœur et crainte d'une grosse déception que j’ai commencé ce livre.
Conclusion: je n’ai pas été déçue (j’ai aimé ce récit frémissant et tendu) -  Pas totalement éblouie non plus  (je ne me suis pas sentie assez proche des personnages)  mais admirative certainement,  devant une telle maîtrise de la composition et un style aussi précis qu’imagé,  sec et  nerveux à la fois. Ce que j'ai préféré plus que tout dans ce roman? Que la lecture et l'écriture soit si intensément  au centre du récit. 
De quoi s’agit-il ? D’un rencontre entre deux êtres à l’enfance malmenée et misérable qui s’en sortent par l’écriture,  la lecture, l’imagination, la création et qui passent deux mois d’été  ensemble, seuls dans la  propriété anglaise de Caroline N. Spacek,  écrivaine célèbre  de 39 ans qui vit là en recluse et qui,  contrairement à son habitude, a accepté d’être interviewée par Lou, un jeune étudiant  de 24 ans qui vient de lire son œuvre intégrale.  Elle aura besoin de neuf semaines pour terminer le récit de sa vie qu’elle enregistre au dictaphone, en présence d’un Lou ébloui et reconnaissant.
 J’étais en train de finir mon dernier (roman) quand mon amant, Piet, m’avait pris dans ses bras pour me demander  ce qui m’arrivait – et c’était tellement difficile à expliquer que j’avais commencé à penser qu’il faudrait que je trouve un moyen de parler à Caroline N. Spacek. Lui faire ouvrir les doigts. Savoir ce qu’elle dissimulait au creux de sa paume.
Il ne s’attendait pas à trouver une personnalité aussi forte et fragile à la fois, si proche de lui par certains côtés mais si meurtrie, si entière et si mystérieuse.  Le dernier paragraphe  est révélateur de ce qui lui arrive peut-être par la suite  mais que faut-il comprendre exactement? [Suite blanchie pour  ne pas spoiler]  (Ces fils barbelé électrifiés, ces chiens affamés?) 
Qui veut bien m’en donner sa version? 

Ce livre a reçu le Prix Françoise Sagan.  
Buvard. Une biographie de Caroline N. Spacek.  Julia Kerninon, (La brune au Rouergue,  2014, 200 pages)

vendredi 4 juillet 2014

Ballon rond et littérature


Quels sont donc  les écrivains français qui ont le plus aimé le foot?
Ma curiosité est éveillée parce que depuis hier je n'entends plus parler que de ce fameux quart de finale  France-Allemagne de ce soir,  qui serait une belle revanche sur le passé footballistique déjà très lourd entre ces deux équipes  nationales depuis 1982, à cause d'un certain méchant  Schumacher et de son agression contre Battiston, qualifiée même d'attentat ce matin dans les journaux!
Je ne veux surtout pas feindre de m'intéresser outre mesure à ce sport que je ne regarde jamais,   laissant le champ libre aux éclats de voix père /fils qui ne s'apaisent qu'en cas de match franco-italien. La double nationalité de l'un empêchant les prises de parti pris trop  violentes pour l'un ou l'autre camp.  Ce ne sera pas le cas  ce soir  et  l'ambivalence n'aura pas lieu d'être! A leurs explosions  de joie ou de désespoir, je saurai très vite quand un but  aura été marqué ou encaissé!
Moi, je  me serai comme toujours, retirée tranquillement dans ma chambre,  plongée dans un roman qui ne sera pas  forcément de circonstance car,  sur ce sport,  je ne crois pas posséder de livre.
Mais comme je ne vis pas non plus  dans une cellule monacale, loin de là (quoique parfois ce ne serait pas pour me déplaire!), je prends plaisir à me renseigner sur les auteurs passionnés de foot.
Après un petit tour sur la toile, voici les plus évidents  même s'ils n'ont pas tous écrit spécialement de romans sur ce thème.

Montherlant: Les Olympiques
Paul Vialar, 
Giraudoux,
Drieu la Rochelle
Albert Camus
René Fallet : Le triporteur
Antoine Blondin,
Blaise Cendrars,
Léon Paul Fargue,
Bernard Pivot,
Daniel Picouly,
Tonini Benacquista, 
Franz-Olivier Giesberg, 
Jean-Claude Izzo, 
Philippe Labro, 
Dominique Noguez, 
Vincent Ravalec,
Denis Tillinac,
Didier Van Cauwelaert, 
Bernard Weber, 

 et ailleurs:

Nabokov, 
Rainer Maria Rilke,
Nick Horby, 

Pour moi mon favori restera un roman  que j'ai beaucoup aimé de John Grisham: Le dernier match, vraiment super mais c'était du foot américain.
Sinon, on peut ajouter aussi, mais je ne sais pas ce qu'ils valent: le livre de Francis Huster  qui vient de sortir pour la circonstance et  celui  de chez Actes Sud Junior,  destiné aux plus de neuf ans.
Foot foot foot

jeudi 3 juillet 2014

A ma fille, Victor Hugo, Peintures de Vlado Kristl

Nul n'est heureux et nul n'est triomphant. 
L'heure est pour tous une chose incomplète; 
L'heure est une ombre, et notre vie, enfant, 
En est faite. 


Oui, de leur sort tous les hommes sont las. 
Pour être heureux, à tous, -- destin morose ! -- 
Tout a manqué. Tout, c'est-à-dire, hélas ! 
Peu de chose. 


Ce peu de chose est ce que, pour sa part, 
Dans l'univers chacun cherche et désire: 
Un mot, un nom, un peu d'or, un regard, 
Un sourire ! 


La gaîté manque au grand roi sans amours
La goutte d'eau manque au désert immense. 
L'homme est un puits où le vide toujours 
Recommence. 


Vois ces penseurs que nous divinisons, 
Vois ces héros dont les fronts nous dominent, 
Noms dont toujours nos sombres horizons 
S'illuminent! 

 Après avoir, comme fait un flambeau
 Ébloui tout de leurs rayons sans nombre, 
Ils sont allés chercher dans le tombeau 
Un peu d'ombre. 

Paris, octobre 1842
Les Contemplations, 
Livre premier
Aurore
I
A ma fille

Victor Hugo (Besançon, 1802 - Paris, 1885)

Vlado Kristl (Zagreb, 1923 -  Munich, 2003), artiste croate