dimanche 30 septembre 2012

Un homme, de René Guy Cadou, poème du dimanche


Un homme
Un homme
Un seul un homme
Et rien que lui
Sans pipe sans rien
Un homme
Dans la nuit un homme sans rien
Quelque chose comme une âme sans son chien
La pluie
La pluie et l’homme
La nuit un homme qui va
Et pas un chien
Pas une carriole
Une flaque
Une flaque de nuit
Un homme.

René Guy Cadou (1920-1951). In Hélène ou le règne végétal (Seghers 1952)


Photo d' August Landmesser qui refusa de faire le salut nazi, en 1936, à Hambourg. Jeune ouvrier travaillant au chantier naval de Hambourg, il assiste au lancement d'un navire alors qu'Hitler était présent. Il avait épousé Irma  Eckler, une jeune juive dont il aura deux enfants. Le couple est arrêté en 1938 pour avoir"déshonoré" la race et condamné aux travaux forcés.

samedi 29 septembre 2012

Du plus loin de l'oubli de Patrick Modiano

Patrick Modiano est l’un des romanciers français actuels que je préfère. En attendant son prochain livre qui sortira le 4 octobre, toujours avec un très beau titre: «L’herbe des nuits», je patiente avec un autre de ses romans,  de 1995, celui-là: «Du plus loin de l’oubli.
Qu'y trouve-t-on cette fois? 

Dans les années 60, à Paris,  place saint-Michel, près du métro, le narrateur  de vingt ans est abordé par un couple qui lui demande l’adresse du bureau de poste le plus proche.  Ils ne se quitteront plus pendant quelques mois,  l’homme, Gérard Van Bever,  son amie Jacqueline et  celui qui deviendra l’amant occasionnel et secret de cette dernière. Eux vivraient, selon leurs dires,  d’une martingale gagnante dans les casinos des environs de Paris. Ils savent très peu les uns des autres et s’en contentent. Bientôt ils se retrouvent à Londres. Après quatre mois, la liaison se termine.
Le narrateur garde un souvenir ému de cet épisode lorsqu'il retrouve la femme dans des circonstances bien différentes et avec un autre homme, quinze ans après. Elle feint de ne pas le reconnaître. Retrouveront-ils malgré tout leur complicité passée? 

Encore de la nostalgie. Encore de la solitude et de l'errance. Des lieux très précis, des décors d'une époque à peine révolue et un style dépouillé des plus classiques.  J'aime, j'aime, j'aime! 
Je ne voyais plus que Jacqueline en face d'eux, seule sur la banquette, les bras croisés. Elle était là, derrière la vitre, dans la lumière jaune, et je regrette de na pas remonter le cours du temps. Je me retrouverais sur le trottoir de la rue Cujas à la même place qu'autrefois mais tel que je suis aujourd'hui et je n'aurais aucune peine à sortir Jacqueline de cet aquarium, pour la ramener à l'air libre. 
A la sortie de l'hôtel, j'avais fourré dans la poche de mon imperméable A High Wind in Jamaica. Cela me rassurait de garder sur moi, en permanence, un roman que j'aimais. 
 Du plus loin de l'oubli de Patrick Modiano (Gallimard 1995, 165 p.)

Challenge ABC Babelio, 

vendredi 28 septembre 2012

La petite fille qui disparut deux fois, Andrea Kane

Ce polar commence très fort et a su retenir mon attention dès les premières pages.
Quand une petite fille de six ans est enlevée la nuit dans son sommeil, c’est suffisant pour éveiller un moment ma curiosité mais s’il s’agit d’une jumelle dormant à côté de sa sœur,  me voilà déjà bien  accrochée.
C’est arrivé à  Hope Willis, juge aux affaires familiales dans l’état de new York,   dont la sœur Felicity a été enlevée  trente cinq ans auparavant et dont personne n’a plus jamais entendu parler.
Le pire, c’est que c’est également ce qui arrive à  Krissie,  sa fille unique chérie, enlevée elle aussi, dans sa chambre, avec son panda en peluche favori.
Tandis que Edward, son époux, un avocat renommé et puissant,  s’appuie classiquement sur le FBI,  pour les recherches, Hope préfère s’en remettre aux  « Forensic Instincts », une jeune équipe de  profilers,  aux méthodes pas toujours orthodoxes,  avec à sa tête Casey Woods,  une jeune femme au caractère bien trempé,  sympathique et humaine bien que redoutablement efficace.
Toute l’originalité de ce thriller tient dans la confrontation de deux époques : pourquoi deux disparitions semblables d’enfants dans la même famille à trente ans de distance?  Naturellement le passé de cette famille estimée mais détruite par ces événements resurgit immédiatement.  Que va-t-on y découvrir?  Casey Woods ne fait-elle pas fausse route en voulant y trouver la source de ces situations violentes? 
Il faut aller vite, très vite!  En neuf jours l’affaire sera résolue mais de quelle façon?

Pas si mal, en fin de compte! Ce roman se lit facilement.  C’est un bon produit qui répond  bien aux demandes du genre: intrigue complexe mais bien construite, personnages bien typés. Les bons sont sympathiques et les méchants  n’ont que ce qu’ils méritent. Je n’ai évidemment eu aucun mal à m’identifier à la jeune mère prête à tout sacrifier pour retrouver son enfant.
Ce que j’ai surtout apprécié, c’est  de m’être totalement trompée dans mes suppositions. J’étais persuadée un moment de connaître la fin et le coupable mais des surprises m’attendaient  que je n’avais pas prévues.
J’ai eu peur et comme c’est avant tout ce que j’attends d’un tel roman, le contrat est rempli.  C’est de bonne guerre! 

La petite fille qui disparut deux fois, Andrea Kane, Traduit de l’américain par Philippe Cornu.Titre original : The Girl Who Disappeared Twice  ( Mosaïc, septembre 2012, 391 p.)

Ce que j'ai pu trouver sur l'auteur: Présente sur les listes des best-sellers du New York Times et de USA Today, Andrea Kane a derrière elle une quinzaine de romans publiés, traduits dans une vingtaine de langues. Elle s'est récemment lancée dans une nouvelle série de thrillers où apparaît pour la première fois une équipe d'enquêteurs éclectique et non conformiste, les « Forensic Instincts », experts en psychologie criminelle et comportementale, et capables de résoudre les énigmes les plus tortueuses.
Sa capacité à aborder de manière originale des thèmes classiques comme le kidnapping, et l'esprit très réaliste de ses romans qui savent aussi émouvoir, sont régulièrement salués outre-Atlantique par la critique et le public.


Avec ce billet, je participe à la Rentrée littéraire de mimi et Hérisson 
Challenge Thrillers et Polars
et au challenge Thrillers et Polars  de liliba , à celui d'Emily  puisque le récit se déroule à New York, celui du Challenge Babelio,
Jusqu'au 1er novembre 2012Logo-mois-am%C3%A9ricain2 dans Challenges
le challenge New York et enfin à celui de Titine: Le mois américain. 

mercredi 26 septembre 2012

Les ignorants de Davodeau, Récit d'une initiation croisée, ma BD du mercredi


Finalement j'ai réussi à trouver cet album. Je l'attendais depuis si longtemps. J'étais évidemment sûre de l'apprécier après tout ce que j'ai pu lire comme éloges  le concernant.
Sans surprise, bien sûr, je l'ai beaucoup aimé mais comme je n'ai vraiment aucune envie de répéter  tout ce que les autres blogueurs  qui l'ont déjà lu  ont écrit  de façon excellente, je vais essayer de tous les énumérer sans oublier aucun lien (Me le signaler, sinon!)

Mo': Un récit accessible à tous, que l’on soit esthète ou néophyte du vin et/ou de la bande dessinée. Un maître-mot : l’amour du travail bien fait.

Yvan:   À consommer sans modération!

Yaneck: Les ignorants fait partie des meilleurs albums de l'année, et son auteur montre une fois encore l'importance qu'il prend dans la production bd française.

Noukette: Une belle leçon de partage, un bel échange et surtout, un vrai régal pour les yeux, pour les papilles aussi...! 

Miss Alfie & compagnie: Le lecteur n'est pas en reste car il boit les paroles de ces deux personnes comme du petit lait tant le contenu est... il me manque un mot... passionnant, voilà, c'est ça. Mention "Coup de cœur 2011" accordée. (Alfie's mec)

Hélène Un joyau d'humanité!

choco: Etienne Davodeau a réussit une nouvelle fois à rendre avec réalisme l'humanité des hommes qu'il aime et à rendre hommage à cette simplicité d'être au monde qu'on ne doit pas confondre avec vide et platitude. 

Oliv': Partage, ce mot résume à lui seul cet album. Partage, c'est ce qui fait toute le magie de cette expérience littéraire. 


Alex: Voici une bande-dessinée dense, riche de tons sépia, et qui raconte deux histoires d'amour.

Pauline Quel plaisir nous aurions, nous lecteurs, à goûter un vin issu de la biodynamie de l’ami Richard Leroy en compagnie de vous tous auteurs de BD (J.P Gibrat, E.Guibert, D.Lefèvre, F.Lemercier, M.A. Matthieu…) qui nous faites tant rêver…c’est promis quand je passe près de Montbenault je m’arrête!

Sylire:  Les dessins de Davodeau sont très précis et soignés. Les dialogues entre les deux hommes truculents. Bref, c’est une BD très sympa!

Aifelle: J'ai tout aimé dans cette BD.

KeishaNaïvetés, gaffes, maladresses, mais aussi passerelles entre deux mondes plus semblables qu'on ne le pense, moments d'émotion, de rires, de sérieux aussi.


 Joelle: L'album qui m'a le plus plu dans ce que j'ai lu de son oeuvre.

Fransoaz: A déguster lentement, le garder longtemps en bouche afin d'exhaler toute la convivialité de ce bon cru.

Enna: J'ai beaucoup aimé cette BD qui confronte deux univers.

Saxaoul: Les ignorants est pour moi un véritable coup de coeur.

Passion des livres: Beaucoup d'humanisme et d'humour.

A propos des livres A lire et déguster sans hésiter!

Un autre endroit pour lire: Cette lecture a été un régal. 

Les ignorants de Étienne Davodeau, Récit d'une initiation croisée, ma BD du mercredi (Futuropolis, 2011, 268p.)




Alex, Amandine, Arsenul, Asphodèle, Benjamin, Carole,  choco, Chrys, Delphine, Didi, Dolly, Emmyne,

Estellecalim, Hilde, Hélène,  Hérisson08, Iluze, l' Irrégulière, Jérôme, Kikine,

La-ronde-des-post-it, Lirepourleplaisir, Lou, Lounima, Lystig,  Mango, Manu, Margotte, Marguerite, Marie,

 Marion, Mathilde, Mélo, Miss Alfie, Moka, Mo', Natiora, Noukette,  OliV'Pascale, Paulinelit, Sandrounette,

 Sara, Sofynet, Soukee, Syl, Theoma, Un amour de bd, Valérie, Sophie/Vicim, Syl, Vero, Wens, Yaneck, 

Yoshi73, Yvan,  Mr Zombi, 32 octobre,
Top BD des blogueurs: 18, 5 /20Roaarrr Challenge de Mo' , Challenge ABC Babelio,


mardi 25 septembre 2012

L’amour est déclaré de Nicolas Rey - Rentrée littéraire



Au diable vauvert, l'amour déclaré de Nicolas Rey.
Rien à faire. Je ne vais pas pouvoir le finir si ce n’est en mode rapide.
Rien ne m’intéresse dans ce regroupement de chapitres très courts et nombrilistes autour de Maud Pauli, le coup de foudre du moment,  une insupportable jeune femme, chiante à souhait, «alcoolique et bipolaire», fille d’un grand comédien, (Fabrice Lucchini) dont le seul véritable intérêt est de se conduire très mal en toutes circonstances. Une capricieuse enfant gâtée, une tête à claques que son père présente ainsi: 
«Ma chère vieille Rey, je suis heureux qu’une épave comme toi  puisse tomber amoureux d’une autre épave comme Maud. De surcroît, avec ce que tu fumes et ce que tu t’es mis dans le cornet, il est possible que tu nous coules une bielle assez rapidement.»
Franchement on est loin de Bret Easton Ellis et de Mac Inerney avec  ces quelques provocations, sans arrière-plan véritable autre que le moi-toi-nous  habituel et ses aléas. Toujours les mêmes. On s’adore, même dans ce qu’il y a de pire dans l’autre.  On va jusqu’à le soigner, on accepte ses trahisons,  on tombe en transe quand on la surprend allongée sur son paillasson, ivre, une bouteille de vodka à la main. On accepte tout de sa part et on emmerde tout le monde à commencer par son éditrice qui vient de lire les premières pages du livre:  
«Chiant. A gerber. Le mélange d’amour  parfait et de conseils à ton fils: ultra merdique. … Tu fais chier tout le monde avec ta nouvelle vie, Nicolas.» 
Enfin viennent les premières jalousies avec les premiers soupçons, les chamailleries et toute la suite, bien connue, trop connue.
La verdeur du style? Facilité! L’apparente modernité? Du bluff: déjà vieux demain! Les personnages? Creux, vaniteux et frivoles! People, médias, clichés, poncifs, du vent,  du vide.
Mon effort est allé jusqu’à la page 133!  Ouf ! Il est grand temps de passer à autre chose ! 

L’amour est déclaré de Nicolas Rey (Au Diable Vauvert, août 2012, 183 pages)

Nouvelle participation au challenge de la Rentrée littéraire et au challenge ABC de Babelio

Mon challenge Babelio ABC 2012-2013

Le principe est de lire 26 ouvrages d' auteurs différents  en un an, soit jusqu'au 13 septembre 2013. 
Chaque auteur doit commencer par une lettre différente.
 Ne pas oublier après avoir publié mon billet de  signaler
 "#critiqué", après le titre de l'ouvrage.



Ma liste (A compléter  au fur et à mesure)

B avec ...Thierry Beinstingel: Ils désertent, "#critiqué"
C avec ...
D avec ...
E avec ...Etienne Davodeau: Les ignorants, "#critiqué"
F avec ...
G avec ...
H avec ...
I avec ...
J avec …
L avec …
N avec … 
O avec …
Q avec …
R avec …Nicolas Rey: L'amour est déclaré.  "#critiqué"
S avec …
T avec …
U avec …
V avec …
W avec …Donald E. Westlake: Ordo; "#critiqué"
X avec …
Y avec …

lundi 24 septembre 2012

Claude Arnaud - Qu'as-tu fait de tes frères? En Poche



Ce roman est l'histoire de la jeunesse houleuse de l'auteur, de celle, désastreuse, de ses frères, mais aussi et surtout  de  la génération des soixante-huitards.
C’est une famille unie, aisée, chaleureuse  avant 68. Certes le  père se montre un peu trop rigide et exigeant aux yeux de ses quatre fils, tous brillants élèves des meilleurs lycées parisiens mais la  mère, rieuse, aimante, chaleureuse est un havre d’amour et, comble de bonheur, elle leur offre chaque été  des vacances inoubliables dans sa grande famille corse au milieu des  oncles, tantes, cousins, cousines et amis divers:  un vrai luxe, une belle enfance.  

Claude, l’auteur narrateur, le troisième de la fratrie, vivra à fond, dès 12 ans, les événements de 68. C’est un vrai caméléon (titre plus tard d’un de ses livres, prix Femina 2008). Il change de nom, d’apparence, de préférence sexuelle selon les circonstances. Bastien pendant sa période trotskiste, il  prend le nom d’Arnulf, en virant maoïste, androgyne, drogué et squatter. C’est sa période hippie et  militante. Plus tard, il participera activement à Lutte Ouvrière et connaîtra les grands noms de l’époque, de Sartre à Foucault, Barthes, Guattari et bien d’autres. Il s’invitera même neuf mois chez Frédéric Mitterrand  qui programme alors des films  d’art et d’essai dans les salles du XIVe.

Qu’as-tu fait de tes frères?  C’est la question qui hante tout ce récit dont l'intérêt ne tient pas  uniquement au regroupement de souvenirs personnels et politiques  mais aussi au constat d’un désastre familial qu’il est tentant d’attribuer à la rigueur éducative du père. La mère meurt d'un cancer au moment où ses fils ont le plus besoin de son influence apaisante. Pierre, l’aîné, qui se destinait à un brillant avenir, arrête  brusquement ses études, se clochardise et se retrouve enfermé dans sa folie à  l’hôpital où il finit par se défenestrer. Philippe le second, également très doué, se replie sur lui-même et revient de son service militaire dans un état déplorable. Lui-même, ne se sortira de ces années de  fureur et d'excès qu’en redécouvrant la littérature et le plaisir d’écrire. Il commence par des biographies: Chamfort,  Cocteau,  puis par un essai très remarqué: «Qui dit  je en nous» , enfin viennent les romans .

Ce livre m'a passionnée. Il m'a fait vivre toute une décennie française parmi les  plus marquantes du  siècle. Claude  Arnaud ne traîne pas et ne cache pas grand chose de ses exploits, de ses joies,  de ses espoirs et de ses déconvenues. Il a été un témoin de premier ordre, toujours au premier rang dans l'action mais le recul des années passées le rend critique sur les utopies de cette époque. 
Si ses souvenirs sont restés vifs et précis, ses analyses m'ont semblé assagies et pertinentes.  Un beau travail d'évocation,  toute une époque qui revit
Ce passé qui s’éloigne aurait fini par me devenir incompréhensible, sous la masse des clichés qu’il a engendrée, sans l’effort de réminiscence que ces pages ont exigé. «Cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans l’avoir connue, et qui est tout simplement notre vie» (Proust), seule la littérature pouvait la ressusciter, dans sa vérité quintessentielle, tout intérieure, au contraire des photos et des films, si trompeurs dans leur évidence. Ces années appartiennent à l’Histoire et pourtant leur fraîcheur, leur démesure font encore rêver.
Qu'as-tu fait de tes frères? Claude Arnaud (Livre de Poche, 2012, 379 p)

Ce livre a reçu le prix  Jean-Jacques Rousseau 2011
Site de l'auteur: ICI,

dimanche 23 septembre 2012

Frédé, joue-moi sur ta guitare, par Cora Vaucaire, commenté par Erik Orsenna




(Refrain)
Frédé, joue-moi sur ta guitare
La vieille (belle) chanson que tu sais
Mais oui, Frédé, la belle histoire
Où l'on n'oublie pas le passé...
Frédé, joue-moi sur ta guitare
L'histoire où l'on s'aime toujours.
Ce soir, je me sens le cœur lourd.
J'ai besoin de chanson d'amour!


(Refrain)

Une rue qui monte et zigzague
Un petit café tout là-haut,
Juste à côté du terrain vague
Où fut assassiné Pierrot...
Ça faisait louche à la nuit noire
Ce bistrot au fond du jardin!
On s'en fichait, on venait boire,
Et le patron chantait si bien...

(Refrain)

On venait là, toujours les mêmes,
Une bande assez mélangée.
Y avait des rapins, des bohèmes,
Des filles et des gars du quartier.
On chantait la nuit tout entière
Et l'on buvait pas mal aussi.
La vie nous semblait moins amère...
Et Frédé nous faisait crédit.

(Refrain)

C'est loin, mais je revois, si blanche,
Ta barbe à travers la fumée
Et ton visage qui se penche,
On dirait que tu vas chanter...
Une douce émotion m'oppresse,
Mais je suis en train de rêver...
Tous mes souvenirs de jeunesse
Sont mêlés à ton nom, Frédé...

Frédé, où donc est ta guitare ?
Et la chanson que j'aimais tant
Lorsque j'avais les idées noires,
Et ça m'arrivait bien souvent...
Frédé, l'existence est bizarre:
Beaucoup de ceux que j'ai aimés
Sont loin ... bien loin ... dans le passé...
Où sont donc mes vingt ans, Frédé ?

Michel Vaucaire et  Daniel White 1946
Frédéric Gérard, patron du célèbre cabaret "Le Lapin Agile" que Bruant lui avait légué en 1903



Cora Vaucaire, nom de scène de Geneviève Collin, née le 22 juillet 1918 à Marseille et décédée le 17 septembre 2011 à Paris. Elle a été inhumée le 22 septembre 2011 au cimetière du Père-Lachaise.

 Fille d'un officier de marine breton, d'origine binicaise, Cora Vaucaire fait ses débuts au théâtre à 16 ans, avant de préférer la chanson. Elle venait parfois l'été dans la maison de famille, à Binic,  dans l'ancienne rue de la Coudraie.  Je l'aimais bien. 

On en parle ICI  et ICI, dans le livre d'Erik Orsenna: La chanson de Charles Quint.
"J’ai aussi rendu visite à Cora Vaucaire.

Elle habite une rue plutôt morne, ce quartier sinistre derrière le front de Seine. La seule animation  vient d’un gros concessionnaire BMW, c’est dire: heureusement, à deux pas court la rue du théâtre.

Je n’ai pas souhaité la déranger. Je suis resté devant la porte, j’ai levé les yeux et lui ai dit merci.

Longtemps je lui en ai voulu.
Après tout,  je lui devais ma maladie. Et puis  la raison a fini par me revenir: était-ce la faute de cette dame si j’avais  confondu ma vie avec un tour de chant? Souvent sans chanter.
La première fois que je l’ai entendue, je devais avoir cinq,  six ans. Il m’a semblé qu’elle me prenait la main et m’entraînait au cœur même de cette forêt mystérieuse et miraculeuse que je venais de découvrir: le langage.
C’était une musique de Ferré sur un poème de quelqu’un  dont le nom me paraissait si drôle: comment, même au Moyen-Âge, peut-on s’appeler Rutebeuf? 
Cette dame avait une telle précision, une telle manière de prononcer, je veux dire sculpter, recréer chaque syllabe, chaque lettre même, que je voyais  les mots, de mes yeux, je les voyais s’aligner dans l’air. On aurait dit des oiseaux, éclairés chacun par une bougie.
 Ce sont amis que vent emporte
 Et il ventait devant ma porte
Les emporta.
Je lui ai dit merci et suis reparti vers mon métro (station Charles-Michel) Mais je suis revenu. J’avais oublié une autre raison du merci. Merci pour votre fameuse précision,  madame Vaucaire. Vous m’avez fait deviner, quand j’étais tout petit, et puis comprendre plus tard que le flou est une paresse.  Précision, sculpture et caresse sont de la même famille." (Dernier chapitre. p.180)

samedi 22 septembre 2012

Erik Orsenna - La chanson de Charles Quint

En se comparant à son frère cadet, c’est  son histoire  familiale et amoureuse  à la fois  qu’évoque ici l’auteur.  C’est une façon originale de se raconter  sans trop peser, sur la pointe des pieds ou plutôt  en épluchant son cœur d’artichaut. 
C’est là en effet que le bât blesse: son frère n’a  qu'un amour unique, sa femme,  et son mariage est une réussite  tandis que lui, l’aîné,  enchaîne les histoires amoureuses. Sa seule excuse: à chaque fois il est sincère et croit au grand amour. Seulement voilà,  un cœur comme le sien déménage sans cesse,  jusqu'au dernier,  celui qui va durer quatre ans jusqu'à la mort de l’être aimé - un record.
Cet événement les rapproche mais en réalité, depuis toujours, ces deux-là éprouvent une jalousie mutuelle, base de toute fratrie selon le narrateur.
J’ai aimé ce livre sur la fraternité, au titre trompeur. La chanson de Charles Quint n’est qu’un prétexte qui permet d’introduire le thème de la maladie d’amour qui s’est emparée de  l’auteur un soir où avec ses parents et son frère il était allé écouter Cora Vaucaire  la chanteuse  préférée de ses parents. C’était au Cabaret, «L’échelle de Jacob».

«Nous n’avions pas dix ans. La lumière s’est éteinte. Un visage a paru.
Frédé, joue-moi sur ta guitare
L’histoire où l’on s’aime toujours
J’ai voulu me retourner pour regarder mes parents. Impossible : il y avait trop de monde. Le moindre mouvement m’était interdit. Qu’importe! Je les savais heureux.
Ce soir je me sens le cœur lourd.
J’ai besoin de chansons d’amour.
20 chansons, 20 histoires plus tard, retrouvant la rue Jacob, j’étais tombé malade;  d’ une maladie qui ne m’a plus quitté. Mon petit frère a résisté. Sans doute il avait l’âme plus forte. Sans aucun doute. Mais moi, j’ai cédé. Une maladie m’a pris cette nuit-là, dont j’ai mis des années et des années à comprendre le mécanisme.» 

Pas mal du tout. Sympathique en tout cas. 

Erik Orsenna - La Chanson de Charles Quint (Stock, 2009, 193 p.)

vendredi 21 septembre 2012

Adieu à Henry Bauchau


Il s'est éteint dans son sommeil la nuit dernière, à 99 ans.
Il était écrivain, poète et dramaturge belge et publiait chez "Actes sud"
J'ai beaucoup aimé son roman «Le Boulevard périphérique» couronné par le Prix du livre Inter en 2008, en France. Je compte  découvrir aussi "L'enfant bleu",  très apprécié  par de nombreux autres  blogueurs.

Nouvelle adresse ICI

jeudi 20 septembre 2012

Evelyn Waugh, La petite sortie de M. Loveday


En Angleterre, Lady Moping et Angela, une mère et sa fille rendent visite à Lord Moping,  dans l'asile  où il est interné depuis sa tentative de suicide lors de la garden-party annuelle de sa femme, dix ans auparavant. C'est la première fois que sa fille Angela vient le voir mais son père ne se montre pas du tout empressé de les rencontrer, trop occupé par ses recherches en bibliothèque sur la pêche à Terre-Neuve, ses lettres à écrire au pape, bref il a un peu perdu la tête. 

Heureusement,  M. Loveday, son secrétaire s'occupe merveilleusement bien de lui. C'est un homme charmant  et très efficace. Tout le monde l'adore, le personnel comme les patients. Il rend service à tout le monde et l'hôpital ne pourrait plus se passer de lui. 
Seulement, il est là depuis trente cinq ans, interné lui aussi. Quand il était jeune,il a tué une jeune femme inconnue qu'il a fait tomber de sa bicyclette et étranglée. Il s'est constitué prisonnier tout de suite après et il est là depuis lors. 
Ayant appris du directeur qu'il n'est plus dangereux et que si quelqu'un s'intéressait à lui, il serait libre, Angela réussit à obtenir sa sortie malgré mille difficultés administratives. 

Après une grande fête donnée en son honneur, M. Loveday  décide de partir à pied à la gare mais à la surprise générale, il revient deux heures après sa libération, tout souriant,et annonce au médecin-chef que c'est un retour définitif et qu'il est très satisfait de sa sortie. 

J'en ai bien profité.  Durant toutes ces années, je m'étais promis un petit plaisir. Ce fut court, Monsieur, mais très très agréable.
Qu'a-t-il pu faire? 
Que lui est-donc arrivé? 

J'aime beaucoup cet auteur et ce livre: La fin d'une époque 

mercredi 19 septembre 2012

Prix Giono 2012, présidé par Pierre Bergé. Première liste



  • Vassilis Alexakis,  L’enfant grec (Stock)
  • Patrick Deville,  Peste & Choléra (Seuil)
  • Joël Dicker, La vérité sur l’affaire Harry Québert (De Fallois)
  • Mathias Enard, Rue des voleurs (Actes Sud)
  • Jérôme Ferrari, Le sermon sur la chute de Rome (Actes Sud)
  • François Garde, Ce qu’il advint du sauvage blanc (Gallimard)
  • Serge Joncour, L’amour sans le faire (Flammarion)
  • Jean-Michel Guenassia, La vie rêvée d’Ernesto G. (Albin Michel)
  • Tierno Monénembo, Le terroriste noir (Seuil)
  • Gérald Tenenbaum, L’Affinité des traces (Héloïse d’Ormesson

Derniers prix Giono:

2006 : Pascal Quignard pour Villa Amalia aux éditions Gallimard
2007 : Jacques Chessex pour Le Vampire de Ropraz aux éditions Grasset
2008 : Amélie Nothomb pour Le Fait du prince aux éditions Albin Michel
2009 : Dominique Fernandez pour Ramon aux éditions Grasset
2010 : Charles Dantzig pour Pourquoi lire? aux éditions Grasset
2011 : Metin Arditi pour Le Turquetto aux éditions Actes Sud


Le jury est présidé par Pierre Bergé.
Font aussi partie du jury:
Françoise Chandernagor, également  membre de l'Académie Goncourt.
Frédéric Vitoux. 
Erik Orsenna (de l'Académie française).
Paule Constant (du Femina). 
Gilles Lapouge. 
Claude Mourthé.
Pierre Pain. 
Franco-Maria Ricci.
Yves Simon.

Attribution du prix  de 10 000 euros, le  mardi 16 octobre
(Maison natale de Giono (1895/1970) à Manosque)
Giono au travail

Le cheminot de Jiro Asada et Takumi Nagayasu, suivi de La lettre d'amour, mangas du mercredi


Voici un one-shot réunissant deux histoires courtes  écrites par un romancier devenu  best-seller au Japon et qui racontent des histoires tristes d’hommes   forts et solides  qui continuent à converser avec les êtres aimés après leur mort.
Otomatsu, le cheminot, est un vieil homme à la veille de la retraite. Sa femme est morte deux ans  auparavant et  leur fille unique n’a pas survécu à ses  deux ans. Il vit seul   désormais dans cette  gare terminus de l’île de Hokkaïdo où il a vécu comme chef de gare une bonne trentaine d’années. 
Autrefois très fréquentée, cette ligne doit fermer après lui. C’est Noël et il attend le dernier train. Sen, son ami, directeur d’une  gare voisine, vient lui rendre visite. Tout est blanc et glacial autour d’eux. Une tempête de neige se prépare.  Une petite fille apparaît derrière une vitre et oublie sa poupée, ce qui intrigue le  chef de gare. Plus tard,  des jeunes filles de plus en plus âgées viendront tour à tour chercher la poupée. S’agit-il de ses sœurs, de sa mère?
Entre temps, Oto se confie à Sen et revit ses souvenirs avec sa fille et sa femme. Il se sent responsable de la mort de leur enfant car il a fait passer son devoir avant l’urgence de conduire sa fille à l’hôpital. Il ne pleure pas mais l’émotion est très forte. La suite est très belle. 
                               

Dans le second récit, La lettre d’amour, le héros est au contraire un jeune mafieux sans foi ni loi, obligé, à peine sorti de prison,  d’aller reconnaître le corps de sa jeune épouse chinoise encore inconnue  puisqu'il s’est agi d’un mariage blanc imposé par son Yakusa. Durant le voyage il prend connaissance des lettres que la jeune femme lui a écrites et qui font preuve de sentiments très élevés et d’un grand dévouement à son égard.  Sa dernière lettre est une lettre  d’amour  dans laquelle elle lui demande   de l’ensevelir dans le caveau de sa famille afin de  lui appartenir pour toujours. Il éclate en sanglots et  renie sa vie passée. 

Ce n’est pas pour rien que l’auteur est qualifié de «faiseur de larmes»! Après tout, ça fait du bien parfois, un peu de compassion. On se sent meilleur!
Si je mets de côté cet aspect un peu sentimental, je dois reconnaître que cette lecture m’a plu. Les dessins sont très détaillés et expressifs. Grâce à eux, j’ai aimé  suivre chacun de ces  récits. 

Le cheminot de Jiro Asada et Takumi Nagayasu - France, 2007, Panini Manga)

Bon retour de vacances à Didi avec de belles lectures de BD en particulier! 


Alex, Amandine, Arsenul, Asphodèle, Benjamin, Carole,  choco, Chrys, Delphine, Didi, Dolly, Emmyne, Estellecalim, Hilde, Hélène, Hérisson08, Iluze, l' Irrégulière, Jérôme, Kikine,
La-ronde-des-post-it, Lirepourleplaisir, Lou, Lounima, Lystig, Mango, Manu, Margotte, Marguerite, Marie, Marion, Mathilde, Mélo, Miss Alfie, Moka, Mo', Natiora, Noukette,  OliV', Pascale, Paulinelit, Sandrounette, Sara, Sofynet, Soukee, Syl, Theoma, Un amour de bd, Valérie, Sophie/Vicim, Syl, Vero, Wens, Yaneck, Yoshi73, Yvan, Mr Zombi, 32 octobre,


Top BD des blogueurs: 15/20

mardi 18 septembre 2012

Prix Femina 2012: première liste


 Le choix des jurées du Femina vient de paraître.

Elle est généreuse: 30 romans choisis dont 19 français. 
Les vainqueurs de l'an dernier étaient
Simon Liberati (roman français),  Jayne Mansfield 1967 (Grasset),
Francisco Goldman (roman étranger),  Dire son nom (Christian Bourgois), traduit par Guillemette de Saint-Aubin 
Laure Murat (essai). L'Homme qui se prenait pour Napoléon (Gallimard), traduit par Guillemette de Saint-Aubin

19 romans français: (en rouge, ceux qui sont sur d'autres listes)

- Thierry Beinstingel, «Ils désertent» (Fayard)
- Jeanne Cordelier, «Escalier F» (Phébus)
- Julia Deck, «Viviane Elisabeth Fauville» (Minuit)
- Patrick Deville, «Peste & choléra» (Seuil)
- Joël Dicker, «La vérité sur l'affaire Harry Québert» (Fallois)
- Philippe Djian, «Oh...» (Gallimard)
- Nicolas d'Estienne d'Orves, «Les fidélités successives» (Albin Michel)
- Jérôme Ferrari, «Le sermon sur la chute de Rome» (Actes Sud)
- Claudie Hunzinger, «La survivance» (Grasset)
- Leslie Kaplan, «Millefeuille» (P.O.L)
- Catherine Mavrikakis, «Les derniers jours de Smokey Nelson» (Wespieser)
- Florence Noiville, «L'attachement» (Stock)
- Gisèle Pineau, «Cent vies et des poussières» (Mercure de France)
- Nathalie Rheims, «Laisser les cendres s'envoler» (Scheer)
- Catherine Safonoff, «Le mineur et le canari» (Zoé)
- Colombe Schneck, «La réparation» (Grasset)
- Antoine Sénanque, «Salut Marie» (Grasset)
- Anne Serre, «Petite table, sois mise!» (Verdier)
- Joy Sorman, «Comme une bête» (Gallimard)

11 romans étrangers:

- Sebastian Barry, «Du côté de Canaan» (J. Losfeld – Irlande)
- Michiel Heyns, «La dactylographe de Mister James» (Ph. Rey - Afrique du Sud)
- Yan Lianke, «Les quatre livres» (Ph. Picquier – Chine)
- Antonio Lobo Antunes, «La nébuleuse de l'insomnie» (Bourgois – Portugal)
- Audur Ava Olafsdottir, «L'embellie» (Zulma – Islande)
- Michael Ondaatje, «La table des autres» (L'Olivier - Canada/Sri Lanka)
- Julie Otsuka, «Certaines n'avaient jamais vu la mer» (Phébus - Etats-Unis)
- Jose Luis Peixoto, «Livro» (Grasset – Portugal)
- Juan Gabriel Vasquez, «Le bruit des choses qui tombent» (Seuil – Colombie)
- Jeanette Winterson, «Pourquoi être heureux quand on peut être normal?» (L'Olivier – Angleterre)
- Avraham B. Yehoshua, «Rétrospective» (Grasset – Israël)

13, rue Thérèse, Elena Mauli Shapiro

Présentation de l'éditeur: Trevor, un professeur américain qui vient d’emménager à Paris, découvre dans son bureau une vieille boîte remplie de lettres d’amour, de photos jaunies, et de souvenirs: des gants, des pièces de monnaie, un mouchoir en dentelle… Tous racontent la vie de Louise Brunet, une Française ayant vécu au 13, rue Thérèse pendant la Grande Guerre. 
L'universitaire commence à reconstituer l'histoire de la jeune femme:  son amour indomptable pour son cousin mort au combat, son mariage de convenance avec un homme travaillant pour son père, et sa liaison avec un voisin. Mais alors que Trevor tombe peu à peu amoureux de la charmante et fougueuse Louise,  une autre Française, bien vivante celle-là, compte bien le séduire et le garder près d'elle. 
Le temps passe, la passion demeure.

Mon avis: 
L’histoire racontée ici se déroule entre le Paris d'aujourd’hui et celui de la Grande Guerre. Deux époques qui se mêlent autour d’un objet trouvé par le personnage principal, une vieille boîte remplie d’objets et de lettres ayant appartenu à une femme au destin singulier.
C’est étrange: ce roman, en grande partie épistolaire,  m’a tout de suite fait penser à ces sujets de rédaction d’autrefois  dont l’intitulé aurait pu être : Vous découvrez un jour, dans votre grenier, une boîte de lettres très anciennes, avec quelques photographies et autres objets symboliques  datant pour la plupart de la première guerre mondiale et  adressées à une certaine Louise Brunet habitant à Paris, au 13, rue Thérèse. Racontez.
L’imagination de la romancière américaine s’est enflammée  autour de ce thème  au point de créer l’illusion de la réalité. Les échanges de lettres sont émaillés de photographies  montrant les hommes  dans les tranchées, les objets  fétiches qu’on ne quitte jamais et des reproductions  de lettres reçues.
Le montage est habile qui vise avant tout à nous faire croire à la réalité des faits et je suis tombée dans le panneau, heureusement parce que,  en lectrice avertie,  je sais que c’est encore la meilleure façon d’éprouver du plaisir pendant sa lecture. Comme les enfants écoutant les contes, il  faut s’identifier à l’un des personnages et le mettre en garde quand il le faut, le pousser à agir quand il hésite, bref jouer le jeu en somme! L’esprit critique viendra après, toujours bien assez tôt mais il ne se laissera pas oublier!

J’ai été Louise longtemps, la petite cousine adorée,  la fiancée douloureuse,  la femme mariée mais stérile,  la musicienne aimée en secret, la pénitente scandaleuse et enfin l’amante passionnée et sensuelle du trop beau voisin.
Tout est mis en œuvre pour  intéresser le lecteur à cette vie de femme qui ne se dévoile qu'à travers les autres. L’auteur cherche à tout prix à surprendre et à déstabiliser.
  
Le point noir  pour moi  cependant a été  l’encadrement de cette fiction  par  celle de l’universitaire traducteur qui découvre  dans son bureau la boîte pleine de souvenirs et qui décide d’enquêter. Derrière lui encore se cache sa secrétaire, Josianne. Ne serait-ce pas elle qui, en définitive,  tire les ficelles, mais qui est-elle vraiment?   Que faut-il comprendre ? Trevor a-t-il perdu la tête?
J'ai fini par perdre un peu le fil de l'histoire, à vrai dire, avec une fin un peu trop tarabiscotée à mon goût. 

La Louise Brunet dépeinte à l’intérieur est fictive. La vraie a disparu à jamais. Pourtant, elle m’a offert les étoiles. J’ai simplement dessiné les constellations. (Postface de l’auteur)
L'auteur:
Elena Mauli Shapiro est née et a grandi à Paris, dans un appartement situé juste en-dessous de celui de l'héroïne de son roman, Louise Brunet. Elle a réellement trouvé la boîte mystérieuse où celle-ci conservait ses souvenirs. Les objets et lettres qu'elle y a dénichés ont enchanté son imagination.

13, rue Thérèse, Elena Mauli Shapiro
(Michel Lafon, septembre 2012, 303 pages) Traduit de l'anglais (États-Unis) par Valérie Bourgeois. (A paraître le 20 septembre) 

lundi 17 septembre 2012

Rien n'est trop beau de Rona Jaffe

New York, dans les années cinquante.
«On les voit chaque matin à neuf heures moins le quart, émergeant des bouches du métro, sortant de Grand Central Station, traversant Madison Avenue, Park Avenue ou la Cinquième Avenue, on les voit par centaines. Les unes ont l’air pleines d’ardeur et les autres ont un air chagrin et il y en a qui ne semblent même pas encore tout à fait réveillées. …Mais elles ont toutes un trait commun: aucune d’elles n’a assez d’argent.»

C’est ainsi qu'on  les voit arriver tour à tour, les cinq  héroïnes de ce roman délicieux.  Caroline,  April, Barbara, Marie-Agnès,  Gregg. Toutes jeunes, toutes célibataires, toutes désireuses de percer à New York et de s’y marier. Elles travaillent  à Manhattan, dans les bureaux d’une maison d’édition où elles sont secrétaires, lectrices,  directrices littéraires. Elles viennent de tous les coins de l’Amérique, avec leurs espoirs et leurs rêves de jeunes femmes naïves, ambitieuses, dynamiques. On les retrouve colocataires, sages ou dépensières. Elles ont tout à apprendre dans ce milieu plus dur qu'il ne leur semble au premier abord. Les hommes y sont les dirigeants et elles, leurs subordonnées. Ils sont machistes, menteurs, lâches, coureurs. Ils les courtisent mais n’ont aucune envie de s’engager. Elles s’entraident  mais toutes souffrent de solitude et traînent bien des désillusions. L’une s’est vue plaquer par  son fiancé pour  une  riche héritière,  une autre est mère célibataire,  celle-ci perd tout contrôle  en espionnant jusqu'à l'obsession  les poubelles de celui qui l’a chassée, celle-là refuse de n’être que la maîtresse de celui qu'elle aime  et qui ne veut pas divorcer.

Tout cela sur fond de New York avec  ses rues, ses restaurants, ses taxis, sa frénésie et puis la guerre de Corée  avec les soldats qui reviennent parfois en permission et tous les problèmes sociaux de ces années-là: la misogynie sur les lieux de travail, le harcèlement sexuel, et  les avortements clandestins.

J’ai beaucoup aimé ce roman, rapide, nerveux, très rythmé  qui fait penser à la série  Sex and the City, l’époque mise à part. Pas étonnant que ce premier roman ait tout de suite eu un grand succès quand il est sorti,  en 1958,  en Amérique.
Un coup de cœur pour moi! 
Ont aimé  aussi Manu, Cynthia, 

Rien n'est trop beau, Rona Jaffe (Poche, 1958/2012, 669 pages)
Traduit de l'anglais (États-Unis) par Jean Rosenthal.
Rona Jaffe: Elle est née à  Brooklyn, en 1931 et décédée en 2005, à Londres,  d'un cancer, âgée de 74 ans. Elle a publié dix-sept romans au cours de sa carrière.



 Challenge NY d'Emily                                Challenge d'Anne                                 Challenge de Titine