dimanche 31 juillet 2011

Allégeance de René Char

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima? 


Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part. 


Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse. 


Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?

René Char (Fureur et Mystère, La fontaine narrative, (1947)(Poésie/Gallimard, p.219)
Video de René Char lisant ce poème: http://www.arcane-17.com/rubrique,rene-char,1134464.html

De qui est-ce? Petit jeu de l'été. (18)

*  Ce jeu "De qui est-ce?", juste pour le fun, consiste tout simplement à retrouver l’auteur du roman célèbre dont on présente ici  le premier paragraphe d'un des chapitres.   Les réponses sont données par mail (adresse dans mon profil ) ou dans les commentaires mais de façon détournée  en donnant d'autres indices ou les initiales de l'auteur. 

** L'auteur à découvrir était Michel Rostain: Le Fils 
Ont trouvéStephie,Aifelle,wens,Sandrine(SD49),Anne dimitri, Cécile, Dominique, Danielle 


*** Difficile? Voici un des plus grands romans du monde, un classique  désormais. Merci Ys de me l'avoir rappelé: c'est un de mes préférés comme  début de roman.   
Les familles heureuses se ressemblent toutes; les familles malheureuses sont malheureuses chacune à leur façon. Tout était sens dessus dessous dans la maison O. Prévenue que son mari entretenait une liaison avec l’ancienne institutrice française de leurs enfants, la Princesse s’était refusée net à vivre sous le même toit que lui. Le tragique de cette situation, qui se prolongeait depuis tantôt trois jours, apparaissait dans toute son horreur tant aux époux eux-mêmes qu’aux autres habitants du logis. Tous, depuis les membres de la famille jusqu’aux domestiques, comprenaient que leur vie en commun n’avait plus de raison d’être; tous se sentaient dorénavant plus étrangers l’un à l’autre que les hôtes fortuits d’une auberge. 

samedi 30 juillet 2011

De qui est-ce? Petit jeu de l'été. (17)

*  Ce jeu "De qui est-ce?", juste pour le fun, consiste tout simplement à retrouver l’auteur du roman célèbre dont on présente ici  le premier paragraphe d'un des chapitres.   Les réponses sont données par mail (adresse dans mon profil ) ou dans les commentaires mais de façon détournée  en donnant d'autres indices ou les initiales de l'auteur. 

** L'auteur à découvrir était 
Choderlos  de Laclos: Les liaisons dangereuses
Ont trouvéStephie,Aifelle,wensJuliet,Chrys, Mazel,Anne,  dominique, Dominique, dimitri,  


*** Cette fois, c'est un roman de l'année que je propose à votre sagacité, sans plus de précisions pour l'instant. Seuls ceux qui l'ont lu peuvent le découvrir sans autre indice et sans clic salvateur.
 Premier indice. Son Prix a surpris tout le monde cette année car il n'était pas sur la liste des sélectionnés. 
Deuxième indice. Il s'agit de son premier roman. 
Le onzième jour après ma mort, Papa est allé porter ma couette à la teinturerie. Monter la rue du Couédic, les bras chargés de ma literie, le nez dedans. Il se dit qu il renifle mon odeur. En fait, ça pue, je ne les avais jamais fait laver ces draps ni cette couette. Ça ne le choque plus. Au contraire : subsiste encore quelque chose de moi dans les replis blancs qu il porte à la teinturerie comme on porterait le saint sacrement. Papa pleure le nez dans le coton. Il profite. Il sniffe encore un coup la couette, et il pousse enfin la porte du magasin.

vendredi 29 juillet 2011

De qui est-ce? Petit jeu de l'été. (16)

*  Ce jeu "De qui est-ce?", juste pour le fun, consiste tout simplement à retrouver l’auteur du roman célèbre dont on présente ici  le premier paragraphe d'un des chapitres.   Les réponses sont données par mail (adresse dans mon profil ) ou dans les commentaires mais de façon détournée  en donnant d'autres indices ou les initiales de l'auteur. 

** L'auteur à découvrir était Colette:  La Maison de Claudine (Chapitre: Ma mère etmaladie)
Ont trouvé:Aifelle,wensJuliette,Kathel,Chrys, Mazel,Anne,Kalichoco MarineRosequi a choisi une citation de Colette. Je rappelle qu'un challenge  sur Colette est proposé par Margotte 

*** Retour maintenant au siècle des Lumières. De qui est cet extrait de l'une des premières pages du roman? 
Premier indice: C'est LA  référence dans le genre.
Je ne sais encore rien, ma bonne amie. Maman avait hier beaucoup de monde à souper. Malgré l’intérêt que j’avais à examiner, les hommes surtout, je me suis fort ennuyée. Hommes et femmes, tout le monde m’a beaucoup regardée, et puis on se parlait à l’oreille; et je voyais bien qu’on parlait de moi: cela me faisait rougir; je ne pouvais m’en empêcher. Je l’aurais bien voulu; car j’ai remarqué que quand on regardait les autres femmes, elles ne rougissaient pas; ou bien c’est le rouge qu’elles mettent, qui empêche de voir celui que l’embarras leur cause; car il doit être bien difficile de ne pas rougir quand un homme vous regarde fixement.   

jeudi 28 juillet 2011

Les photographies d'écrivains par Richard Avedon

En noir et blanc, elles sont magnifiques, à l'exemple de celles ci-dessous. Les reconnaissez-vous? 





Dans l'ordre: Truman Capote, Tennessee Williams, Jean Genet, Marguerite Duras.  A voir ICI

De qui est-ce? Petit jeu de l'été. (15)

*  Ce jeu "De qui est-ce?", juste pour le fun, consiste tout simplement à retrouver l’auteur du roman célèbre dont on présente ici  le premier paragraphe d'un des chapitres.   Les réponses sont données par mail (adresse dans mon profil ) ou dans les commentaires mais de façon détournée  en donnant d'autres indices ou les initiales de l'auteur. 
** L'œuvre à découvrir hier  était: Mémoires d'Outre Tombe de François René de Chateaubriand. (Vie à Combourg)

***  Cette fois,  il faut retrouver le nom d'une personne  qui  vécut au XXème siècle, monta de la province à Paris où elle   fréquenta tout le  beau  monde de l'époque, celui de la mode,  de la danse,  du théâtre,  du cinéma  et de la littérature.
  - Quelle heure est-il ?  Déjà onze heures ! Tu vois ! Il va venir. Donne-moi de l’eau de Cologne et la serviette-éponge. Donne-moi aussi le petit flacon de violette. Et quand je dis de violette… Il n’y a plus de vraie odeur de violette. Ils la font avec de l’iris.  Et encore, la font-ils avec de l’iris ?  Mais tu t’en moques, toi, Minet-Chéri, tu n’aimes pas l’essence de violette. Qu’ont donc nos filles à ne plus aimer l’essence de violette ? Autrefois, une femme vraiment distinguée ne se parfumait qu’à la violette.  

mercredi 27 juillet 2011

Les enfants du Capitaine Grant, Jules Verne et Alexis Nesme, ma BD du mercredi

Je présente aujourd’hui un album gagné lors d’un concours organisé par Jérôme que je remercie. Après l’agréable  surprise de me retrouver gagnante au tirage au sort, j’ai eu un second plaisir , celui de découvrir le bel album des éditions Delcourt  qui, dans leur collection Ex Libris, présentent des BD inspirées d’ œuvres littéraires célèbres. Cette fois, il s’agit du livre de Jules Verne «Les enfants du Capitaine Grant». La couverture cartonnée est très belle et ressemble aux livres de la collection Rouge et Or  et à l’édition Hetzel qui a lancé le livre correspondant de Jules Verne.  Il y aura deux autres albums à suivre. Comme je n’ai pas lu le roman, c’est avec un regard neuf  que je lis cette BD  s’ouvrant  et se fermant sur des  doubles pages de planisphères et autres cartes marines. 
L’histoire est celle-ci : Lors d'une excursion en mer, Lord et Lady Glenarvan trouvent dans le corps d'un requin une bouteille renfermant un message de détresse, envoyé par le capitaine Grant avant son naufrage. Ils décident de partir à la recherche des survivants, accompagnés par Mary et Robert, les enfants du capitaine disparu, et par Paganel, un savant farfelu. Commence alors un périple mouvementé aux confins du monde. (Résumé proposé par bedethèque et commenté aussi par Lire pour le plaisir)
Ce qui me frappe tout d’abord, c’est le côté délibérément vieillot qui est donné aux planches : la page de titre est jaunie et décorée d’un filigrane à l’ancienne, comme si on voulait replacer le lecteur à l’époque de Jules Verne, ce qui est très réussi. 
Deuxième surprise et de taille : Les personnages sont des animaux : des lions et des lionnes pour les héros  appartenant à l’aristocratie écossaise, le lord et la lady Glenarvan, un ours pour leur cousin, le Major Mac Nabbs qui «sous ses abords bougons faisait un excellent compagnon», une grenouille pour l’amusant  français, «Jacques-Eliacin-François-Marie Paganel, secrétaire de la société de géographie de Paris,» etc.,  le savant étourdi qui s’est trompé de bateau.
J’ai aimé les dessins précis, élégants bien que  trop petits pour la plupart. Certains, (les vues des bateaux superbement rendus par exemple) auraient mérité des pages entières.
J’ai aimé les couleurs  variées et significatives et j’ai apprécié que l’histoire, pourtant pleine de rebondissements et de péripéties, soit racontée de façon claire et agréable à suivre, sans encombrements scientifiques excessifs. Bref,cette lecture m’a été très agréable mais pour une analyse poussée de ce travail je vous renvoie à celle de PG Luneau. Difficile de faire mieux ! 

Les enfants du Capitaine Grant, T1, Jules Verne,  Alexis Nesme, (Ex Libris, Delcourt éditions, 2009, 48 pages)


Participent aux BD du mercredi:
Arsenul,  BenjaminChoco, Chrys,Delphine, Didi, Dolly, Emmyne, Estellecalim, HildeHérisson08, Irrégulière, Jérôme  Kikine Lire pour le plaisir, Lou,  Lounima, Lystig MangoMaël Lasardine Lastennet  Manu, Marguerite,  Mathilde,Moka,  Mo',  Noukette,Pascale  Sandrounette,  Sara, Soukee, TheomaValérie,  Vero,Wens, Yaneck, Yoshi73,  Yvan     Mr Zombi

Je participe aussi au challenge BD Pal sèches  de Mo', au Top BD de Yaneck. (note: 14 /20)

De qui est-ce? Petit jeu de l'été. (14)

* Ce jeu "De qui est-ce?", juste pour le fun, consiste tout simplement à retrouver l’auteur du roman célèbre dont on présente ici  le premier paragraphe. 

** L'œuvre à découvrir hier  était: Voyage au bout de la nuit de Céline
*** Ici, c'est un auteur du XIXème siècle à la longue vie  tourmentée et passionnée qui raconte son enfance mélancolique et vagabonde. Je suis certaine que vous n'aurez aucune difficulté à le reconnaître, ne serait-ce que par ses phrases si bien cadencées  et enchanteresses. 


«Ma sœur  habitait un cabinet dépendant de l’appartement de ma mère. La femme de chambre couchait loin de là, dans le corps de logis des grandes tours. Moi, j’étais niché dans une espèce de cellule isolée, au haut de la tourelle de l’escalier qui communiquait de la cour intérieure aux diverses parties du château. Au bas de cet escalier, le valet de chambre de mon père et le domestique gisaient dans des caveaux voûtés, et la cuisinière tenait garnison dans la grosse tour de l’ouest.
Mon père se levait à quatre heures du matin, hiver comme été : il venait dans la cour intérieure appeler et éveiller son valet de chambre, à l’entrée de l’escalier de la tourelle. On lui apportait un peu de café à cinq heures; il travaillait ensuite dans son  cabinet jusqu’à midi. Ma mère et ma sœur déjeunaient  chacune dans leur chambre, à huit heures du matin. Je n’avais aucune heure fixe, ni pour me lever, ni pour déjeuner; j’étais censé étudier jusqu’à midi: la plupart du temps, je ne faisais rien.» 

mardi 26 juillet 2011

Fleur de Neige de Lisa Lee, lecture commune.

Dans une Chine du sud  encore ancestrale du XIXème siècle, deux jeunes filles de villages voisins, nées le même jour, à la même heure, vont devenir  des  laodong, des âmes sœurs pour la vie entière. L’une, Fleur de Neige, vient d’une famille de mandarins, noble, riche et respectée; l’autre, Fleur de Lis, d’une  famille misérable  et illettrée mais ses pieds sont d’une beauté remarquable et remarquée qui atteindra la perfection lorsqu’ils seront bandés.  A partir de ce moment-là,  leur destin bascule. Non seulement elles deviennent amies mais leur affection mutuelle l’emportera sur toutes les autres malgré les hauts et les bas  de leur existence. Un long malentendu leur causera longtemps  une grande souffrance cependant.


C’est une belle histoire de femmes qui nous est racontée dans ce roman sur fond d’histoire de Chine et de traditions culturelles très particulières  comme celle, si douloureuse, des pieds  bandés et cassés  à six ans et  des deux années de souffrances que les petites filles devaient endurer par la suite, sans compter la difficulté de marcher pour ces femmes confinées à vie à l’intérieur de leurs demeures. Les servantes qui, seules conservaient leurs grands pieds, étaient les plus méprisées aussi. C’est pourquoi  les mères elles-mêmes tenaient à maintenir  cette coutume.    

 La narratrice, c’est Fleur de Lis,  celle qui deviendra la femme la plus respectée de l’endroit, contrairement à toute attente, mais les destins ici se croisent et ne se ressemblent pas: la grande Histoire, celle d’un pays qu’elles ne connaissent pas vraiment,  bousculera les vies particulières. Nous sommes dans les années 1850 et la révolte des Taiping contre les troupes impériales oblige les habitants  à fuir à pied  dans les montagnes et à y rester affamés dans le froid glacial,  trois mois durant. C’est un autre épisode qui m’a beaucoup marquée.    


Enfin, je retiendrai également un autre aspect très fort de ce  livre, c’est l’utilisation,  par les femmes de cette région du Hunan, du nu shu, un langage secret, inventé par elles et  qui leur restait exclusivement réservé. Elles étaient analphabètes cependant et ne savaient ni lire ni écrire les signes masculins mais elles possédaient leurs propres codes. Elles s’écrivaient ainsi entre elles sur du papier, du tissu ou sur des éventails communs mais comme le tout était brûlé avec leur corps lors des funérailles, il n’en reste pas grand chose et cet aspect reste encore bien méconnu. Je trouve pour ma part cette révélation très étonnante et j’essaierai d’en savoir plus. Y a-t-il eu d’autres exemples ainsi d’écriture et d’alphabet purement féminins ?  

Quelques citations dont j’aimerais me souvenir :
Sur une  laotong, une  amie de cœur à vie.
 Elle vous aimait comme une laotong est censée le faire : pour tout ce que vous étiez , et tout ce que vous n’étiez pas. Mais vous raisonniez de manière trop masculine. Vous l’aimiez comme un homme,la jugeant et l’appréciant selon vos critères. 
Sur l’écriture féminine, le nu shu.
 A l’époque, je n’avais jamais vu un seul exemple d’écriture masculine, aussi m’était-il impossible de faire la comparaison. Mais à présent, je sais  que les caractères  utilisés par les hommes sont plus épais, chacun remplissant l’intérieur d’un carré, tandis que notre nu shu fait plutôt penser à des pattes de mouche ou aux empreintes que laissent les oiseaux dans la poussière. Contrairement à l’écriture masculine, chaque caractère en nu shu ne représente pas un mot spécifique. Nos signes sont plutôt de nature phonétique. Ainsi, un même caractère peut servir à noter plusieurs mots, dont la prononciation est identique : un seul caractère sert à noter les mots: «paire» et «père», par exemple, mais le contexte permet généralement  d’en différencier le sens. 
On  peut l’écrire à l’encre ou au pinceau mais on peut le broder aussi ou le chanter devant un auditoire féminin. Mais il faut avant tout le lire et le conserver en secret. Car les deux règles les plus importantes concernant le nu shu sont les suivantes: les hommes ne doivent jamais apprendre l’existence de cette écriture, ni se retrouver  d’une manière ou d’une autre en contact avec elle.Les hommes nous voyaient broder des mots en nu shu sur leurs chaussures et nos carrés d’étoffe, ils nous entendaient psalmodier nos chants et lire nos cahiers de mariage. Mais ils considéraient  notre écriture avec condescendance et la jugeaient trop inférieure à la leur pour s’y intéresser.Le système d’écriture des hommes  comporte plus de cinquante mille caractères, tous différents les uns des autres, chacun porteur d’un sens ou d’une nuance spécifique. Le nôtre se compose à tout prendre de six cents caractères, dont nous nous servons phonétiquement  pour noter environ dix mille mots. Il faut toute une vie d’étude pour apprendre  l’écriture des hommes.  Nous apprenons la nôtre une fois pour toutes, quand nous sommes encore des gamines. 
Fleur de neige , Lisa See, (Flammarion, 2006, 405 pages),  Traduit de l'anglais (États-Unis) par Pierre Ménard. Titre original: Snow Flower and the Secret Fan
Lu en Lecture Commune avec Sandrine et Liliba . Autres billets aussi chez Biblioblog, Esmeraldae