samedi 30 mai 2009

Barbara Pym: Moins que les anges

La fine fleur de l'anthropologie londonienne se réunit un soir pour accueillir en grande pompe une invitée d'honneur, la récente veuve d'un homme très riche qui a promis à l'un des doyens de fonder une nouvelle bibliothèque ainsi qu'un centre de recherches et de doter un certain nombre d'étudiants de bourses d'études. L'avenir de presque toutes les personnes présentes ce soir-là dépend de cet argent inespéré. Comme toujours dans ce genre de cocktails, des groupes se forment selon les affinités, des amitiés se créent et des idylles naissent. L'ambition, la richesse, la séduction rejouent la foire aux vanités. Le reste du roman consistera à résoudre les problèmes et les conflits évoqués durant cette soirée très riche en mini événements.

La petite veuve à l'argent généreux tiendra-t-elle ses promesses? Le coup de foudre d'une étudiante pour le bel anthropologue entre deux missions détruira-t-il la liaison solide de celui-ci avec l'héroïne du roman, Catherine Oliphant, un des rares personnages n'appartenant pas à la sphère des scientifiques, par conséquent la meilleure observatrice possible de tout ce petit monde si centré sur lui-même et si vite aveuglé et manipulé.

Ces scientifiques s'en vont tous très loin en mission pour observer le comportement humain de tribus oubliées, mais la romancière , elle, s'en donne à coeur joie à croquer les ridicules de ses compatriotes. A la fin du récit, son héroïne remarque "combien il était préférable parfois d'observer la vie confortablement en spectateur, simplement du haut de sa fenêtre."

Tout est délicieux dans ce roman, écrit d'une plume vive et acérée. C'est plein d'humour, de moqueries respectables, de dignités détruites, de scandales vite modérés, d'égoïsmes et de férocités ambitieuses. On y retrouve bien sûr tout ce qu'on aime dans les romans anglais traditionnels, de Jane Austen à Agatha Christie: le thé, les vieilles demoiselles cancanières, les pasteurs et leurs femmes,les étudiants arrivistes mais fauchés, les jeunes filles opportunistes ou très naïves.

Pour faire le résumé, j'ai dû relire plusieurs passages et tout le premier chapitre où apparaissent tous les personnages , d'un seul coup, ce qui est un peu déroutant de prime abord. Cette relecture m'a permis de savourer encore davantage le talent de Barbara Pym. Certains détails ne m'avaient pas frappée tout de suite et ici la relecture est un vrai plaisir!

L'explication du titre est donnée en exergue: 4 vers de Alexander Pope

"Que veulent les hommes qui tantôt dans les airs s'élèvent,
Et moins que les anges veulent être davantage,
Qui tantôt baissent les yeux et se lamentent,
Pleurant la force du taureau, de l'ours le pelage."

Deux portraits parmi tant d'autres:

L'héroïne: "Catherine était petite, menue et se considérait non sans une certaine complaisance comme une nouvelle Jane Eyre ou une enfant de l'époque victorienne dont on aurait coupé les cheveux à la suite d'une scarlatine, (...) apparemment taillés aux ciseaux à ongles."

La veuve, future bienfaitrice: "Mrs Foresight, une petite blonde replète toute vêtue de bleu layette, pénétra dans la salle en clignant des yeux à la vue de la foule."

Sans les blogs de Keisha, Manu et Lou, je n'aurais jamais entendu parler de Barbara Pym, cette romancière anglaise décédée en 1980, à 67 ans. On la connaît si peu en France que ses livres sont devenus rares. C'est donc à la bibliothèque que j'ai choisi "Moins que les anges" paru chez Bourgois en 1992

C'est le deuxième roman anglais que je lis en moins de 15 jours et je suis prête à poursuivre sur ma lancée. Pas de lassitude, au contraire!

Barbara Pym: Moins que les anges
Christian Bourgois éditeur (305 pages), traduit de l'anglais par Sabine Porte
Document de couverture: Nature morte aux jonquilles par John Singer Sargent

jeudi 28 mai 2009

La mansarde de Mrs K. par Mary Wesley

Claud Bannister est revenu vivre chez sa mère Margaret après des années d’études infructueuses, sans argent ni qualification mais avec l’intention de devenir écrivain, ce qu’il n’ose encore avouer à sa famille. A un concert de la petite ville où il habite, il rencontre Laura Thornby, une femme mûre, brillante, excentrique et très indépendante dont il tombe amoureux. Elle-même, attirée par lui, commence à organiser son avenir et le pousse à ouvrir un stand de brocante et surtout à louer une chambre bien à lui, loin de sa mère. Ce sera la mansarde de Mrs K., où Laura elle-même a vécu, plus jeune. Ils s’y retrouveront souvent et tout irait pour le mieux sans cette nécessité qui pousse le jeune homme à s’isoler de plus en plus dans sa chambre pour écrire son premier roman. Il a besoin de la solitude du créateur. Dès lors, il chérira son héroïne plus que celle qui fut sa muse. Celle-ci se sent trahie… Jouer les seconds rôles , fût-ce derrière une héroïne de roman ne lui convient pas du tout. Le titre anglais, plus explicite, est d'ailleurs : "Second fiddle".

La mansarde de Mrs K. n’aura été qu’un tremplin vers le succès :

« Il n’y avait rien à construire, si ce n’est sur de l’imaginaire » (Dernière phrase du récit)

Ce n’est pas un résumé du roman que je viens d’écrire car je n’en ai esquissé que le squelette. L’essentiel, ce sont tous les personnages de la petite ville qui gravitent autour du couple et qui sont si vivants et si excentriques : les familles, les amis, les chiens, les chats, les amoureux et les artistes de passage, les brocanteurs et les piliers de bars. L’auteur connaît bien les habitudes provinciales, chaleureuses mais étriquées, routinières mais surprenantes, prétentieuses et souvent malveillantes de ces petites villes anglaises où elle a vécu elle-même.

Elle avait 70 ans quand elle a écrit son premier roman. Elle en avait 90 à sa mort en 2002.

J’ai plutôt bien aimé ce roman et ne déplore que les trop nombreux et trop longs dialogues qui ralentissent l’histoire. Je n’aime pas les dialogues qui s’étirent et se multiplient dans les romans modernes comme avant je regrettais les trop longues descriptions des romans de Balzac ou de Victor Hugo. Ceux des « Misérables » sont redoutables !

La mansarde de Mrs K. par Mary Wesley

(Flammarion, 1988, 288 pages, traduit de l’anglais par Sylviane Lamoine)

mercredi 27 mai 2009

La littérature est dangereuse






Quand la réalité dépasse la fiction ou la littérature est-elle dangereuse?

Devinette macabre: A quel grand auteur de romans policiers fait penser cette histoire vraie?

Crimes sous influence, en Iran.

Un fait-divers vient d'attirer mon attention, directement en relation avec mes lectures préférées. Ces jours derniers, Mahin, jeune femme sportive de 32 ans, mère de deux enfants, a été arrêtée en Iran où elle est désormais considérée comme la première serial-killer femme de ce pays.
Elle a reconnu avoir tué cinq femmes âgées de 50 à 70 ans , entre février et mai dernier, dans sa ville de Qazvin, au nord du pays. Elle les faisait monter dans sa voiture où elle les étranglait après les avoir endormies en leur faisant boire des jus de fruit contenant des soporifiques. Elle affirme qu'elle voulait ainsi se venger de sa mère qu'elle déteste et qu'elle était omnubilée par son désir de commettre un crime parfait. Elle risque la peine capitale selon la loi iranienne.
Ce qui m'a le plus étonnée, dans cet article du "Courrier international", c'est que cette meurtrière a expliqué avoir commis ses crimes sous l'influence directe de ses nombreuses lectures de romans policiers: Patricia Highsmith, Ruth Rendell, P.D. James, mais surtout Agatha Christie, qu'elle cite comme sa romancière favorite.
Aucune lecture n'est anodine!

mardi 26 mai 2009

Des livres à gagner

Un jeu facile qui peut faire gagner deux livres? Pourquoi pas? Il suffit de visiter ici le blog de Juliann et d'attendre le jour J, le 5 juin prochain.

A gagner:

J’ai renvoyé Marta de Nathalie Kuperman
L’amour et M. Lewisham de H.G. Wells
God save la France de Stephen Clarke
La route de tous les dangers de Kris Nelscott
A marée basse de Jim Lynch
Les arpenteurs du Monde de Daniel Kehlmann

Bonne chance à tous les participants dont je suis!

dimanche 24 mai 2009

Appelez-moi par mon prénom, Nina Bouraoui

"Appelez-moi par mon prénom",

Prénom P..., organisateur de soirées à Lausanne, car tout commence à Lausanne , tout continue à Paris et tout explose à Venise en une apothéose de bonheur et de beauté!


ATTENTION! Cette note se veut ironique; tous ces clichés m'ayant épuisée! (J'ai dû sauter plusieurs pages pour suivre l'histoire!). Il s'agit typiquement d'un livre sur l'amour triomphant, l'amour heureux avant que les amoureux ne retombent sur terre! Je prie mes premiers lecteurs de bien vouloir m'excuser si j'ai été plus convaincante que critique, ce qui n'était pas mon intention, mais il faut croire que je n'ai pas la fibre ironique!

Ce livre m’a essoufflée, pas soufflée, non, juste essoufflée ! Comme si je venais de courir un cent mètres. Quelle histoire ! Quelle allure ! Quel train d’enfer !

On n’a pas le temps de réfléchir, de se poser des questions, de rêver un peu, de s’assoupir ! On tourne sur un manège enchanté, emporté par un rythme endiablé, de la première à la dernière petite phrase et elles sont toutes petites les phrases et toujours sur le même modèle, indépendantes, très indépendantes. Et toutes à l’imparfait. Et toutes galopant rassemblées dans un seul chapitre. Pas de temps pour la division, la séparation, nous sommes ici dans la poursuite de l'Amour-Fusion, un amour comme toujours très absent puis très présent puis très heureux car triomphant à la fin !

On se rencontre dans une librairie où elle signe ses livres. Il est étudiant en arts plastiques, de 16 ans plus jeune, il a aimé son Journal récemment paru, en a tourné un film, lui a donné l’adresse de son site et surtout il est beau, très beau.

S’enclenche alors, se déclenche plutôt la traditionnelle relation passion amoureuse décuplée par l’absence, On ne se voit pas, on ne se déclare pas encore, on s’écrit régulièrement puis de plus en plus et enfin frénétiquement. On finit par se téléphoner et puis on se revoit et on s’aime furieusement mais chastement sur le papier.

Le livre, tout en pudeurs des corps et fureurs des âmes, culmine enfin dans une explosion de beauté, un feu d’artifice, une apothéose, à Venise, lors de la Biennale.

« Il fallait baisser nos armes et embrasser la terre qui nous portait. (…) Je comparais l’existence à une lave chaude et dorée, coulant sous nos peaux, nous rendant sacrés. (…) Nous n’étions pas uniquement en vie, nous étions à l’intérieur de la vie, dans ce qu’elle avait de plus beau et de plus incertain, de plus fragile et de plus puissant. »

Ouf ! Ainsi soit-il...

Nina Bouraoui est née en 1967, à Rennes, de père algérien et de mère bretonne. Elle a reçu le prix du livre Inter 1991 pour « La voyeuse interdite » et le prix Renaudot 2005 pour « Mes mauvaises pensées ».

samedi 23 mai 2009

Laurie Colwin: Frank et Billy

Faut-il avoir honte de ses lectures? J'ai lu Frank et Billy de Laurie Colwin et j'ai aimé!

Frank et Billy vivent une relation adultère malgré le mariage réussi de chacun.Tout les sépare cependant, à commencer par leurs goûts et leurs tempéraments totalement opposés.Frank vit cet amour de façon heureuse et naturelle, tout en s'amusant de leurs différences mais Billy, elle, le vit mal et rompra au bout de deux ans. Ils se retrouveront un jour, par hasard, l'instant de quelques paroles échangées, chacun accompagné de son fils, l'un adulte, l'autre nouveau-né. Le lendemain Billy racontera cette rencontre à sa meilleure amie:
"Quand je pense à lui, c'est toujours au passé, mais quand je l'ai revu, je me suis rendu compte à quel point ces choses sont vivantes, même lorsqu'elles ont cessé d'exister. Les flots ne se referment pas sur ta tête. En tout cas pas sur la mienne. je m'aperçois que, quoi qu'il arrive, Francis est indélébile. Il fait partie de mon expérience, comme la visite de Stonehenge ou un voyage en Inde. Elle baissa la tête et s'aperçut qu'elle avait endormi William à force de le balancer. (...) Il grandissait si vite qu'il semblait s'évaporer avant qu'elle ne puisse s'habituer à lui."
Voilà le ton! Le style, je ne sais pas: c'est une traduction!
Disons plus exactement que je me suis délectée à cette lecture, comme avec un bonbon acidulé, c'est bon, puis on oublie et on passe à autre chose! Sans prétention mais avec reconnaissance. Les petits riens et autres plaisirs minuscules ont une grande importance dans la vie stressante d'une lectrice-blogueuse compulsive! On ne peut pas non plus se contenter uniquement des chefs d'oeuvre! Il y a le Mont-Blanc qu'on escalade une fois dans sa vie et la petite voie communale indispensable au déplacement quotidien!
Bref, j'ai bien aimé ce livre choisi parce que je connaissais déjà la romancière, connue grâce à :"Une épouse presque parfaite"  et malgré l'horrible couverture rose , vulgaire et ambiguë qui se veut accrocheuse et qui, à mon avis, ne correspond pas du tout à l'histoire, beaucoup plus pudique et discrète, juste une petite musique acerbe et douce à la fois!
Une histoire à l'eau de rose, diront certains? Mais non, pas vraiment, pas tout à fait! Ou alors à la façon d'une chanson tendre et un peu triste, qui finit comme la vie, on ne sait encore trop comment, car c'est la vie justement et elle s'écoule sans cesse et on ne peut l'arrêter, alors il n'y a pas vraiment de fin, ni heureuse, ni malheureuse, la vie suit son cours, c'est tout et c'est déjà une autre histoire! ! On est très loin des romans policiers avec des rebondissements à chaque page!
Minimaliste, diront d'autres encore? Sans doute! Il ne se passe pas grand chose de très important, mais une foule de détails justes, inattendus, drôles ou ironiques nous permettent de mieux cerner les personnages.
Je reprendrai bien de cette lecture, un jour de grande légèreté par exemple.
L'avis de Clarabel qui m'a fait connaître Laurie Colwin, ce dont je la remercie.
Laurie Colwin: Frank et Billy(Poche, 188 pages, traduit de l'américain par E. Marciano) 

mercredi 20 mai 2009

Marguerite Yourcenar: Croquis et Griffonnis


Marguerite Yourcenar : Croquis et griffonnis
Par Sue Lonoff de Cuevas, « Le promeneur », Gallimard, novembre 2008, 182 pages
Traduit de l’américain par Florence Gumpel

« C’est moi-même que je refais en refaisant mes livres » écrivait Marguerite Yourcenar qui avait la passion de la révision.

C’est le deuxième livre que je lis de cette intéressante collection « Le Promeneur » chez Gallimard. Il s’agit d’un recueil de croquis et de dessins entrecoupés de leurs analyses par une universitaire américaine.

Toute sa vie Marguerite Yourcenar a griffonné et dessiné dans les marges de ses manuscrits
mais aussi sur ses propres livres et sur les livres des autres même ceux empruntés aux amis ou aux bibliothèques. En lisant, en écrivant, elle dessinait ; ce n’était pas un peintre et ses croquis sont maladroits mais toujours révélateurs de ses préoccupations concernant ses textes les plus hermétiques. Ils éclairent ses projets et la révèlent aussi, plus brouillonne et plus fantaisiste que ne le laissent supposer le sérieux et la profondeur de ses livres majeurs que sont « les Mémoires d’Hadrien » ou « L’œuvre au noir » .

Marguerite Yourcenar travaillait beaucoup ses textes, ne cessant d’améliorer ses mots et ses phrases, les raturant sans cesse. Au contraire, ses dessins sont spontanés, non travaillés. Ils l’aidaient à visualiser ses idées. Ses dessins favoris étaient les divinités grecques, les mains, les bateaux, les animaux, dont Kou Kou Haï , son pékinois chéri.

Quant au poème de Verlaine : « Pierrot », de "Jadis et naguère", il lui a inspiré 5 dessins de « Pierrot pendu », suspendu au gibet au-dessus d’un tas de livres écroulés et ce thème, elle l’ a repris plusieurs fois au cours de sa vie, comme un leit-motiv, le griffonnant sur le papier des hôtels où elle passait. Un rêveur qui meurt sur des livres qui s’écroulent ! Vanitas vanitatis.

Ces dessins sont de deux sortes , ceux extérieurs à la fiction qui réfléchissent sur l’acte de création et ceux qui participent à l’univers du récit et l’illustrent. Parfois il ne s’agit que d’un simple griffonnage, sans vraie raison. Proust et Cocteau aussi eurent cette habitude.

C’est en quelque sorte un journal graphique que ce livre. On le feuillette plus qu’on ne le lit. C’est une curiosité pour ceux qui aiment Marguerite Yourcenar. Il nous la rend plus familière. On a ainsi l’impression de mieux la connaître.

mardi 19 mai 2009

Intrigue à Versailles de Adrien Goetz


Adrien GOETZ: Intrigue à Versailles

(Grasset, 2009, 397 pages)



Voilà longtemps que ça ne m’était pas arrivé ! Un livre comme un cadeau du ciel ! Un régal ! Un vrai divertissement : j’ai lu toute la nuit. Je n’ai pas tout à fait fini mais j’ai envie d’en parler sans plus attendre.
Il s’agit du second volume des enquêtes de Pénélope par Adrien Goetz : Intrigue à Versailles, policier très actuel, dans une ville à la pointe de la modernité, malgré son glorieux passé encore très présent !

D’abord l’auteur :
Il est né à Caen et a été élève à l’ENS de la rue d’Ulm. Agrégé d’histoire, il enseigne maintenant à la Sorbonne. Il est aussi le rédacteur en chef de : « Grande Galerie. Le Journal du Louvre » et défend le patrimoine oublié des pays en guerre actuellement.
En 2004, il recevait le prix des Deux-Magots et celui de Roger Nimier pour « La Dormeuse de Naples » et en 2007 le prix Arsène Lupin pour : « Intrigue à l’anglaise ». Cette même année, l’Académie française lui a décerné le prix François-Victor Noury pour l’ensemble de son œuvre.

L’intrigue :
Qui a tué la jeune fille chinoise dont le cadavre a été découvert au château de Versailles, dans le bassin de Latone, ce lundi matin 22 novembre 1999 ? Un de ses doigts a été coupé et Pénélope, la jeune conservatrice du patrimoine, le retrouve dans le tiroir secret d’une superbe « table à écrire » dans les petits appartements de la reine Marie-Antoinette, seulement cette table du XVIIIe siècle n’a rien à faire là, d’où vient-elle ? Elle semble authentique !

Il n’a l’air de rien ce tout début de l’histoire : juste un crime dans un lieu célèbre ! Pour un amateur de roman policier, ce n’est qu’un début banal. Il suffira de trouver l’assassin et tout sera dit. C’est du moins ce que je pensais après le premier chapitre mais heureusement je me trompais. La suite est une succession de surprises et d’enchantements. C’est irracontable. Il se passe trop de choses ! C’est un livre trop riche, plein de détails réels , connus des seuls spécialistes et initiés mais si légèrement intégrés dans le récit qu’on ne s’ennuie pas une seconde tout en apprenant plein de faits ignorés mais véridiques.

Tout s’y mêle : le glorieux passé historique de Versailles, bien sûr, mais aussi le présent artistique ,économique et touristique de la ville, avec ses problèmes très actuels quant à la restauration et à l’entretien de ces lieux illustres . Faut-il ne garder que les meubles et objets authentiques quitte à laisser les pièces vides ou accepter les copies et les rénovations des peintures, meubles et tissus, grâce au travail très minutieux et précieux des jeunes artisans issus des diverses écoles d’Art ? Les haines sont vives entre les différents clans, à quoi s’ajoutent les dissensions entre les jardiniers « écolos » du Potager du Roi et ceux
du Grand Parc qui , à la suite de Le Nôtre ne cessent de tailler, couper, réglementer les allées et les bosquets pour retrouver l’architecture idéale. Mais, on le découvre peu à peu, les enjeux sont bien plus importants encore que cette apparente opposition. Entrent en jeu aussi la religion et de curieuses sectes liées à un passé prestigieux, la politique et quelques partis extrémistes, la grande tempête qui détruisit les grands arbres centenaires du parc , l’avenir avec l’arrivée de riches Chinois capables de reproduire à l’identique les chefs d'oeuvre du château et le château lui-même. Tout cela est passionnant !

Mais pour une lectrice à tous crins comme moi, le plus émouvant est l’évocation de Pascal et de Port-Royal. . Les Jansénistes ont-ils vraiment disparu
totalement de par la volonté de sa Majesté le Roi Tout-Puissant , au début du XVIIIe siècle ? Le Livre commence la veille du 23 novembre 1999. Bientôt un nouveau millénaire commencera, bientôt une grande tempête détruira le Parc du Château, bientôt une nouvelle monnaie, l’euro, remplacera les monnaies nationales, bientôt un grand bug informatique menacera , croit-on, l’économie mondiale , mais le 23 novembre, c’est avant tout l’anniversaire de la nuit d’illumination qui , en 1654, a converti Blaise Pascal. Je ne résiste pas à l’envie d’écrire le texte qu’il écrivit cette nuit-là et qui le bouleversa jusqu’à sa mort :

« Mémorial de Blaise Pascal,

L’an de grâce 1654, lundi 23 novembre, jour de saint Clément,
Depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demie,
FEU,
Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob
Non des philosophes et des savants,
Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix.
Père juste, le monde ne t’a point connu, mais je t’ai connu.
Joie, joie, joie, pleurs de joie,
Dereliquerunt me fontem aquae vivae
Ils m’ont abandonné, moi la fontaine d’eau vive. »

Bien que l'intrigue elle-même se traîne un peu vers la fin, le livre est très agréable à lire; le style y est léger et les personnages sont attachants. Rien à voir avec les habituelles histoires sur fond d évocation historique que j’ai rarement appréciées jusqu’ici!

Est-ce le début d’une longue série d’intrigues se déroulant dans des endroits touristiques que résoudraient avec brio la jeune Pénélope et Wandrille, son ami journaliste dissipé et plein d’allant ? Je l’espère et d’emblée je sais que je les lirai toutes sans hésiter !

dimanche 17 mai 2009

Un Juif pour l'exemple par Jacques Chessex


Jacques CHESSEX: Un Juif pour l'exemple,
(roman, Grasset, janvier 2009, 106 pages)
C'est un petit volume,lu en une heure, qui relate une histoire vraie et sordide advenue en 1942, en Suisse , dans le canton de Vaud. Les faits sont brutaux mais rapportés sobrement comme un commentaire journalistique d'un fait-divers vécu par l'auteur à huit ans. Il habitait ce village et était le compagnon des enfants des accusés.

Un maquignon juif, André Bloch est tué un jour de foire par trois employés suisses guidés par le garagiste du coin,lui-même manipulé par le pasteur de l'endroit. Ils font tous partie d'un groupe pro-nazi qu'aveugle un antisémitisme atavique exalté par les victoires allemandes du moment. Ils découpent le corps en morceaux qu'ils répartissent dans des seaux et vont jeter le tout dans la rivière proche. Ils seront condamnés.

L'auteur -narrateur revit l'atmosphère de l'époque et analyse surtout le phénomène de l'influence antisémite toujours sous-jacente dans la région.

Pas de larmoiement. Pas de pathos, pas de complaisance dans les descriptions. Pas de voyeurisme. L'auteur s'en tient aux faits et à leur explication sociologique

En exergue: Lamentations 3, 1-3.
"Je suis l'homme qui a connu la douleur et que le seigneur a frappé dans son courroux. Dieu m'a entraîné, il mm'a fait marcher dans les ténèbres. Et non dans la lumière. C'est sur moi seul qu'il lève la main et c'est sur moi qu'il frappe tous les jours."

samedi 16 mai 2009

La maison de Marguerite Duras





Visite à la maison de Marguerite Duras à Neauphle-le-Château,
"Balade en Yvelines" par Marie Noëlle Craissati (ed.Alexandrines")  Sur les pas des écrivains des Yvelines "

C'est dans cette maison de 400m2 et de 14 pièces, qu'a longtemps vécu Marguerite Duras. C'est là qu'elle écrivit "Le ravissement de Lol V.Stein" et "Le vice-consul", là qu'elle reçut de nombreux amis dont la grande famille des 15 Gallimard. C'était la maison du bonheur, la maison de l'écriture, la maison de la solitude aussi. Elle y vivait seule et y travaillait beaucoup. Elle y avait peur le soir mais n'a jamais demandé à personne de venir y vivre avec elle . elle s'en était beaucoup occupée au début, moins par la suite. Elle l'avait achetée en 1958, avec l'argent du film tiré de son roman: "Barrage contre le Pacifique". C'était alors la résidence secondaire d'un notaire parisien.
Je suis allée la voir aujourd'hui, 15 mai 2009. Il faisait beau , les lilas qui entourent la maison étaient en fleurs et sentaient bon. Leurs branches plongent dans la rue. Maintenant c'est une très vieille maison à l'abandon, recouverte de lierre. Les volets ne sont pas fermés, les rideaux de dentelle ancienne sont déchirés, les murs décrépits, la grille d'entrée toute rouillée. Un étang la côtoie, des canards s'y reposent. On ne la visite pas.La journaliste Michèle Manceaux, son amie de trente ans, qui habitait tout près, raconte qu'elle aimait conduire sa 203 et aller à l'aventure dans les environs,à la cafeteria de Parly 2, la nuit, à Mareil-le-Guyon; Là , elle allait au cimetière. Elle connaissait par coeur le nom des 7 jeunes aviateurs anglais tombés là en parachute et morts pendant la guerre.

Je la trouve belle, elle détonne avec le reste de la ville où toutes les anciennes maisons sont rénovées. Elle, elle semble si fragile. Deviendra-t-elle un musée un jour? Sera-t-elle détruite?
Autres maisons d'écrivains en Yvelines:

Bougival: Ivan Tourguéniev
Bourdonné: Paul Morand
Fontenay-le-Fleury: Sacha Guitry,
Le Mesnil-le-roi: Louis Pauwels, Jeanne Bourin
Le Vésinet: Alain
Les Loges-en-Josas: Erik Orsenna
Louveciennes: Leconte de Lisle, Anaïs Nin
Magny-les-Hameaux: Abbaye de Port-royal
Maisons-Laffitte: Jean Cocteau, Roger Martin du Gard
Médan: Maurice maeterlinck, Emile Zola
Montfort-l'Amaury: Germaine Beaumont, Colette, José Maria de Heredia,Victor Hugo, Jacques de Lacretelle
Neauphle-le-château: Marguerite Duras, Michèle Manceaux
Port-Marly: Alexandre Dumas père, (Château de Monte-Cristo)
Saint-Arnoult-en-Yvelines;Elsa Triolet, Louis Aragon
Saint-Germain-en-Laye: Alexandre Dumas
Versailles: Maurice Martin du Gard, Jean et Jérôme Tharaud

vendredi 15 mai 2009

In memoriam par Audeguy Stéphane



Petit bijou sans prétention...
Stéphane AUDEGUY : In Memoriam
(Le cabinet des lettrés, Gallimard),
Un petit bijou pour ceux qui ont des goûts un peu bizarres comme moi. En effet j’aime savoir comment sont morts les gens célèbres, surtout ceux que j’aime. Cet opuscule de 101 pages, de petit format, comble mon attente. En touches légères et en esquivant tout ce qui aurait pu être macabre, Stéphane Audeguy fait la liste des disparitions étranges, hors de l’ordinaire. Naturellement, ce sont surtout les derniers moments des écrivains qui m’ont le plus touchée. J’en ignorais beaucoup. On les indique peu dans les livres scolaires.
Ainsi :
« Stendhal mourut en passant, rue des Capucines, à Paris. »
« En ouvrant le 25 novembre 1983 un tube de médicaments avec les dents, Tennessee Williams, auteur dramatique, mourut étouffé par le bouchon. »

"Oscar Wilde. Il se convertit si tardivement au catholicisme que l'on dut lui administrer le sacrement de l'extrême-onction juste après celui du baptême. "

Anton Tchekhov. "Pour le remonter, car il se sentait un peu faible du coeur, sa femme lui servit une coupe de champagne. Assis dans son lit, il dit dans une langue qu'il ne parlait guère, l'allemand: "Je meurs", leva sa coupe et but, se recoucha sur le côté gauche et ne se releva plus."

Voilà le style! C'est un petit livre pour de grands curieux .

Il apparaît dans Le Promeneur , chez Gallimard, une collection où l'on trouve des titres comme : La casuistique des repas romains de Thomas De Quincey, Lettres de Dali à Picasso , l'art du bref, Les animaux nous traitent mal, ... et autres curiosités.

Le cabinet des lettrés: « Ceux qui aiment ardemment les livres constituent sans qu’ils le sachent une société secrète. Le plaisir de la lecture, la curiosité de tout et une médisance sans âge les rassemblent. (…)
Ils forment à eux seuls une bibliothèque des vies brèves. Ils s’entre-lisent dans le silence (…) tandis que la classe des guerriers s’entre-tue avec fracas et que celle des marchands s’entre-dévore en criaillant. »

L’auteur enseigne l’histoire du cinéma et des arts . Il a aussi écrit « La théorie des nuages » en 2005 et « Fils unique »en 2006 sur la vie présumée du frère de J.J. Rousseau. En 2007, il a publié « Les monstres ».

C’est inattendu, léger et grave, sans prétention ! J’ai aimé.

jeudi 14 mai 2009

Les nouvelles enquêtes du juge Ti: Mort d 'un cuisinier chinois de Frédéric Lenormand


Frédéric Lenormand : Les nouvelles enquêtes
du juge Ti. (Tome 6) Mort d’un cuisinier chinois

Nommé à la cour métropolitaine de justice, le juge Ti et ses nombreuses épouses sont de retour dans la capitale de l’empire. Le juge y retrouve sa mère, désormais veuve, dans la grande maison familiale. Il doit résoudre l’énigme du meurtre d’un cuisinier empoisonné dans la cité interdite . Sa première femme, qui déteste sa belle-mère, enquête sur celle-ci, en secret, persuadée qu'elle a tué son mari avec lequel elle ne s’est jamais entendu

Le juge Ti est un de mes détectives favoris. J’ai lu une bonne partie des 17 volumes écrits par
Robert van Gulik J’adore sa méticulosité dans le déroulement de ses enquêtes, son humanité et bien sûr l’atmosphère de cette Chine du septième siècle, époque pendant laquelle vivait le vrai juge Ti, né en 630 et dcd en 700.

Arrivée presque à l’heure de fermeture de la bibliothèque, j’ai choisi le volume tout neuf sur le seul nom du juge et sans regarder l’auteur : Frédéric Lenormand et non pas van Gulik , hélas ! L’auteur est un Français, né en 1964, vivant en Chine. Il a déjà écrit douze romans de la série : "Les nouvelles enquêtes du juge Ti " et il a obtenu le Gourmand Award, meilleur livre de littérature culinaire en 2006 !

Rien à voir avec le plaisir que j’ai eu à lire les policiers de van Gulik. Ce juge-ci est tout à fait inconsistant. La véritable héroïne est sa première femme au fort caractère. Deux intrigues se chevauchent sans lien entre elles. Très vite l’attention se disperse. De plus , j’ai sauté les longues explications philosophico-religieuses sur les différentes cuisines provinciales et leurs nourritures si opposées. La fin est insipide : peu de suspense, nul rebondissement, aucun retournement de situation, de l’ennui !

Déception !

mardi 12 mai 2009

Ma PAL " friandises"


Juste récompense après un mois gâché




Pour avoir délaissé les blogs ce mois-ci et le mien en particulier,

Pour avoir lu beaucoup, à tout va , sans arrêt, partout, à tout moment,

Pour n'avoir malgrè tout rien lu qui me plaise vraiment, à tel point que je n'ai même pas envie de présenter les titres de ces livres,
Pour me sentir désespérée de tant de malchance,
Je me suis offert ce matin une sortie de toute beauté, une folie gratifiante au possible,

Ma LAL dans la main, je me suis précipitée dans ce grand magasin , temple de la tentation,
où je me refuse d'aller d'ordinaire,
et là j'ai razzié tous les livres qui me faisaient envie depuis longtemps dans mes tournées de blogs
Et voilà le résultat!
J'espère enfin retrouver ainsi des nuits blanches de lectures ininterrompues
Juste récompense ou encouragement après un mois maussade.
Je suis très contente de moi!
Et parce qu'on ne voit pas très bien les titres sur la photo, et parce que ça me fait plaisir de les énumérer, les voici , outre les quatre premiers :
Laurie COLWIN: Frank et Billy,

Diane Setterfield: Le treizième conte, un de mes choix pour Blogs-O-Trésors,

Richard Yates: La fenêtre panoramique,

Caroline VERMALLE: L'avant-dernière chance,

Mervyn PEAKE: Titus d'Enfer,

Alessandro PIPERNO: Avec les pires intentions,

Joyce Carol OATES: Journal 1973-1982,

et enfin les quatre AUSTEN non encore lus: Emma, Raison et sentiments, Mansfield Park, Persuasion,

Si avec ça je ne trouve pas mon bonheur!! : Grr!!.. :o(

Joyce Carol OATES: Hudson River


J’aurais dû aimer ce récit: c’est superbement écrit et agencé! Chaque chapitre envisage l’histoire du défunt , mystérieux mais très séduisant Adam Berendt, selon les points de vue des habitants de l’endroit où il vivait, une banlieue riche près de New-York.

Le récit commence par sa mort. Il se noie dans l’Hudson en voulant sauver des enfants tombés d’un bateau. Cette disparition si soudaine va bouleverser la vie de ses très nombreux voisins, des femmes surtout qui veulent à tout prix savoir qui il était vraiment. Chacun mène sa propre enquête et ce qui est découvert bouleverse la vie de chacun. Les secrets des uns et des autres surgissent, les désirs et les aspirations cachées aussi. Les masques tombent, les résistances et les préjugés s’envolent, Des éclairs de vérité transforment les vies les mieux établies et quand enfin on découvre la véritable identité et la vraie vie  du héros, plus personne n'est comme avant . Tous se sont transformés, pour le meilleur ou pour le pire.
J’ai admiré la virtuosité de la composition et de l’écriture. Les personnages sont bien campés, l’intrigue bien menée, alors pourquoi ai-je fini par sauter de nombreuses pages à la fin? Certains passages m’ont semblé trop longs. Changer aussi systématiquement et aussi souvent de points de vue et de personnages principaux a fini par me fatiguer. Je n’adhérais plus à la quête d’identité du défunt chéri. Qui il était réellement me devenait de plus en plus indifférent. J’allais décrocher quand la fin est arrivée qui a sauvé le reste. Il était temps!
Je suis sans doute devenue plus exigeante, moins patiente. Il me faut de l’action, des rebondissements, une véritable intrigue, bien serrée et tenue de main de maître. Pas de longueurs surtout, pas de passages mollassons, pas de dialogues qui s’étirent sans raison mais du nerf, du rigoureux, de l’inattendu! J’aime les surprises!
Que le prochain livre me surprenne  donc!
Joyce Carol OATES: Hudson River (traduit de l’anglais par Claude Sebam, 519 pages)

lundi 11 mai 2009

Amos Oz: Vie et mort en quatre rimes: Abandon



Abandon de ma lecture.

Sur la scène d’un centre culturel, un écrivain, en représentation, n’arrive pas à se concentrer, et laisse son esprit divaguer. Il imagine des vies fictives aux spectateurs tandis qu’une jeune lectrice lit des extraits de son dernier livre. A la fin, il la raccompagne et voudrait entrer chez elle mais elle est timide et refuse, mettant en avant la présence d’un chat jaloux. Telle est l’intrigue.

Le reste n’est que suite de pensées évanescentes, remarques banales ou farfelues sur tout et
rien, dans le plus grand désordre. Je n’arrive pas à m’ y intéresser : j’abandonne ma lecture à mi-parcours. Feuilletée, la fin non plus ne réussit pas à sauver le reste.

Certains commentaires sont dithyrambiques. D’autres me convainquent davantage comme celui d’ Alexandre ANIZY que je me permets de citer car très bref: « Comment épargner son argent et ne pas gâcher sa journée ? En ignorant « Vie et mort en quatre rimes ».

Amos Oz est un des plus grands écrivains israéliens contemporains. Je n’avais encore rien lu de lui. J’oublierai très vite ce petit livre pour commencer le plus tôt possible son chef d’œuvre : «Une histoire d’amour et de ténèbres ».

Vie et mort en quatre rimes


Amos Oz, Sylvie Cohen (Traducteur)